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Les différentes formes de connexions dans Death Stranding

Avertissement : Cet article comprend des spoilers concernant les films Stalker et Solaris d’Andrei Tarkovski et Death Stranding (ne comprend pas les ajouts de la director cut dans son analyse).

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Hideo Kojima nous avait prévenu, il voulait “créer” un nouveau genre de jeu avec Death Stranding, et si les déclarations alambiquées du créatif n’ont pas causées que du bien à la réception du produit final, nous sommes forcés de reconnaitre qu’il y a bien quelque chose d’unique qui se dissimule derrière sa tentative. Death Stranding est un jeu centré autour de la connexion, et cette idée s’exprime par différents biais et offre une certaine d’homogénéité au jeu vis-à-vis de ses thématiques et de la manière dont elles s’insèrent dans le gameplay. Bien-sûr, tout n’est pas parfait, mais l’objectif des analyses n’est pas nécessairement d’offrir deux points de vue différents qui se contrebalanceraient l’un l’autre, mais plutôt de souligner une vision. Jusqu’à présent, les analyses (que j’ai écris) se concentraient uniquement sur le scénario et les thématiques chères à Hideo Kojima, mais aujourd’hui je vous propose un pas en arrière pour voir comment l’idée de la connexion traverse toute l’œuvre pour porter un message à différentes facettes. Aujourd’hui nous cherchons à comprendre pourquoi l’auteur derrière ce jeu disait vouloir faire un “strand-game”.

Alors que créer un jeu est un objectif … Ce que sont les jeux n’a pas encore été décidé. Ils sont encore un nouveau média, après tout. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Les gens devraient jouer à des jeux, bien sûr, mais devraient aussi faire beaucoup d’autres choses. Prendre des éléments d’ailleurs et les mettre dans des jeux. C’est ce que j’aimerais voir être fait par les jeunes. L’industrie existe depuis un certain temps maintenant, il y a donc beaucoup de modèles établis et d’ententes tacites. J’aimerais les voir démolis, et pour ce faire, je pense que vous devez absorber toutes sortes de choses en plus de jouer à des jeux. Vous devez établir des liens entre les jeux et d’autres expériences. Faites cela, et vous pourriez créer quelque chose de nouveau et de différent. La jeune génération est la seule à pouvoir le faire. Ne vous dites pas ce que doivent être les jeux. Au lieu de cela, trouvez des types de jeux nouveaux et différents. Utilisez des éléments de votre jeu que personne d’autre n’utilise. Si vous faites cela, votre jeu sera beaucoup plus riche et plus large.

Interview d’Hideo Kojima -https://youtu.be/D7zX9tWVJsg?t=777

Qu’est ce que la connexion et qu’implique t-elle ?

Un début qui pose des questions.

La connexion se définit comme la liaison étroite et l’enchaînement entre certaines choses, certains phénomènes, certaines idées. Le mot “connexion” est emprunté au latin connexĭo (« lien, enchaînement ») dérivé de conectere (« lier ensemble », « attacher », « joindre », « enchaîner », « rattacher ») composé de co- et de nectere (« nouer ») et apparenté à nexus (« nœud »). Ce que soulève l’introduction de Death Stranding est que toute forme de “connexion” entraîne aussi une déconnexion et une part de responsabilité :

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Deux idéologies différentes, ayant quasiment le “même” masque.
(Ils reflètent en réalité deux visions de l’humanité, mais cela a déjà été abordé dans de précédents articles)

Die hardman : Ils ont été nombreux à choisir de rester déconnectés. Isolés du monde, indépendants. Comme vous, Sam. Ils sont convaincus que l’Amérique ne peut être rebâtie que par la force…Par des hommes qui leur diront quoi faire, qui les priverons de leur liberté et qui leur mettront des chaînes.

Sam : Et vous m’avez mit quoi, là, hein ? – (Montre ses menottes)Vous ne valez pas mieux que les Déments. Une secte parmi tant d’autres.

Amélie : Sauf que ce ne sont pas des chaînes, Sam. C’est un symbole de nos liens. C’est ce qu’il nous faut dans l’immédiat : non pas rester isolés, mais tous nous rassembler. Former des relais chiraux et nous reconnecter.

Compte rendu de Die hardman et Amélie à Sam (épisode 2 : Amélie)

La menotte de Bridges qui symbolise l’idée de cette reconnexion, comporte les deux notions qui font les enjeux de la société et qui se juxtaposent sur les personnages de Higgs et Die hardman. D’un côté, le “lien” qui permet l’entraide, la solidarité, et l’élan qui pousse au progrès (par le partage d’informations, si nous gardons uniquement des considérations scientifiques, mais aussi par la sociabilisation qui permet l’intelligence émotionnelle), de l’autre, la menotte qui signifie que chaque homme pris individuellement s’en remet au groupe et ainsi scelle son sort au devenir de la société. Il devient dépendant des autres et donc soumit aux autorités. Cette menotte décrit une “société prison” à partir du moment où l’on ne sent plus apte à en faire parti, ce qui s’exprime la plus part du temps par une forme de défiance (envers les autres, et envers le pouvoir).

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Sam : Est-ce que je suis prisonnier ?
Deadman : Ce ne sont pas de vrais menottes, ce sont des appareils high-tech qui nous relient tous les uns aux autres […] Ces menottes, elles veilleront sur vous 24 heures sur 24. On sera joignables tout le temps, pour vous aider, Sam.

Compte rendu de Deadman à Sam (Prologue : Porter)

Quand j’étais une petite fille, mon père me disait que les preppers étaient des gens déçus par leur pays. Pour eux, la nation n’était plus digne de confiance. Et ce sentiment remonte à bien avant le Death Stranding. Il y’a longtemps, nous avions un réseaux mondial qui permettait d’envoyer n’importe quel objet n’importe où. Tout le monde était connecté. Mais paradoxalement nous ne nous étions jamais sentis aussi seuls […] Dans leur esprit, l’Etat n’était plus là pour les protéger, mais pour entraver leurs libertés.

Les plus extrémistes en sont venus à considérer que si un drame survenait, le pays ne serait pas à même de les préserver.

Entretiens/ Personnes concernés : Fragile Titre : Preppers

Bridget (dernière présidente des Etats Unis) a l’ombre de Donald Trump pour exprimer la défiance de Sam envers Bridges et la mort de l’ancien monde où il n’y avait que des murs. La dernière volonté de Bridget est reprise par Amélie, qui est une figure plus jeune incarnant la destinée manifeste propre aux Etats Unis. Deux visions politiques se passent donc le relais…La première construisait des murs, la deuxième veut désormais s’étendre et se reconnecter.

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Des symboles doubles.

Même les divers noms de notre héros sont porteurs d’idées contraires. Sam Porter Bridges peut être perçu comme “l’Oncle Sam” car il traverse les Etats Unis pour les reconstruire (même si son voyage peut aussi être vu comme un pèlerinage). Tandis que son ancien nom “Sam Strand” fait tout autant référence à son lien avec sa famille, qu’à son départ et à l’absence de chez soi :

Amélie : Ecoute. Ton nom est Sam Strand.

Sam : Non. C’est faux. Plus maintenant. Je m’appelle Sam Porter Bridges.

Amélie : C’est un drôle de mot, “strand”…En anglais, c’est un lien, ou le brin d’une corde. Mais “Stranding” signifie s’échouer sur le rivage. Et lorsqu’on est échoué, on ne peut pas rentrer chez soi.

Rencontre entre Sam et Amélie sur la plage (épisode 2 : Amélie)

Dès son introduction, le jeu mise son message sur des notions doubles, la menotte (opposition entre la connexion et la prison), le nom de Sam (opposition entre Strand et Bridges), la nature de Bridget (opposition entre les “murs” et la volonté de s’étendre) et les masques (opposition entre Die hardman et Higgs, homo-ludens et homo-démens); tout ceci souligne toute l’ambiguïté que les changements impliques et la responsabilité qui pèse désormais sur le joueur et Sam. Plutôt que marquer distinctement les antagonismes en différenciant nettement deux camps (grossièrement le “bien” et le “mal”), Hideo Kojima confond les idées par le biais des symboles pour souligner l’importance que revêt la réflexion dans la construction progressive de jours meilleurs.

Dans le même temps, le fait de rendre Sam sceptique vis-à-vis des initiatives de Bridges, nous fait démarrer l’aventure à reculons, ce qui convient à l’idée de transcender les notions du “bien” et du “mal” pour ne pas offrir de “réponse toute faite”. La notion de “transcendance du bien et du mal” avait déjà été explicité par Hideo Kojima lorsqu’il avait abordé le cas des antagonismes dans un artbook de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain (son précédent jeu).

Par exemple, lorsque Sam est apeuré et qu’il recule face à une Bridget qui se nécrose et qui rampe vers lui, la scène nous rappelle nos rencontres face aux échoués. En pratique, il ne s’agit que de sa mère mais quelle idée l’esthétique de la scène renvoie t-elle aux joueurs par rapport à la menace “invisible” que constitue les échoués ? La menace n’est qu’un appel à l’aide (incompréhensible de notre propre point de vue).

De la même manière, il y a une transmission subtile qui s’opère dès les premières heures de jeu entre “Bridget” et “Amélie” vis-à-vis de Sam et de son devoir. Avant de mourir Bridget pose sa main sur Sam et laisse une empreinte noire (similaire à celle des échoués), plus tard quand Sam retrouve Amélie sur la plage, qui laisse la même marque, au même endroit, mais cette fois-ci à cause de l’allergie de notre héros. Nous nous voyons donc remettre coup sur coup par le même personnage (sous deux formes différentes) et de la même manière, une photo de famille avec l’écriture “Be stranded with love” et l’attrape-rêve.

La connexion entre Sam et le joueur :

La première connexion est entre le héros et le joueur, et la notion qui caractériserait le mieux le personnage de Sam Porter Bridges, est celle d’avatar. Son nom “Bridges”( traduit “pont”) à l’image de “Link” (traduit “lien”) le définit comme une extension du joueur, un pont entre lui et la machine grâce à laquelle il pénètre dans le jeu. Son incarnation en tant qu’avatar transparaît aussi dans son statut de “rapatrié”, qui désigne symboliquement le fait de ne pas “arrêter le jeu après sa mort” et qui ne peut exister que grâce à la présence du joueur dans la diégèse du jeu :

A ce stade, vous n’êtes ni mort, ni en vie. C’est l’équivalent de cet écran qui vous dit ‘Continue?’ avec le compteur s’égrenant pour aller de 10 à 0

Hideo Kojima au sujet de la nature de l’abysse (lorsqu’il expliquait le troisième trailer) : https://n-gamz.com/2017/12/death-stranding-kojima-retire-le-game-over-de-son-jeu-et-explique-enfin-son-trailer/
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Une référence à Metal Gear Solid.

Sam : Qu’est-ce qui est arrivé aux gars de l’IM ?

Deadman : Il ne reste rien de la ville-relais Centrale. Elle a été annihilée. “GAME OVER”, tout le monde ! Ce n’est plus qu’un énorme cratère. Les deux seuls qui ont le droit de rejouer, c’est vous, vous savez bien pourquoi, et votre BB hors service.

Compte rendu de Deadman à Sam (Prologue : Porter)
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Dans l’abysse, le joueur existe indépendamment du corps et de l’âme de Sam. Il guide l’âme jusqu’au corps.

Cette existence du joueur dans l’abysse se vérifie aussi par le biais de l’empreinte de mains que le joueur laisse sur Sam la première fois qu’il atterrie dedans. La connexion entre Sam et le joueur prend forme, et l’abysse (espace de transition entre les mondes) voient la rencontre entre l’homme, la machine et son avatar et trouvent sa finalité avec le joueur qui rentre à l’intérieur de Sam (où se trouve un bébé) pour le ressusciter.

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Une empreinte apparaît à notre première visite dans l’abysse dans l’introduction.

Cette notion d’avatar qui porte les espoirs de tout un chacun dans un périple dangereux, se retranscrit par la suite avec l’idée que Sam est en réalité recouvert d’empreintes (ou “mains négatives”, si comme Deadman l’on reprend l’idée des peintures rupestres). Comme s’il appartenait effectivement à tous les joueurs ayant lancés le jeu une première fois :

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Les mains négatives sur le corps de Sam le dépeignent de manière primitive.
On peut aussi considérer que les empreintes sont tout autant d’échoués qui ont déjà voulu attraper Sam et donc tout autant d’appel à l’aide et d’espoir qui repose sur ce dernier. Encore une fois, les symboles peuvent avoir plusieurs sens.

Ce qui se retrouve aussi chez Sam est son “mutisme” qui le met très en retrait dans chaque scène pour que le joueur puisse se projeter, c’est une “technique” qu’Hideo Kojima avait déjà employé avec le personnage de Venom Snake dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. D’ailleurs, pour rester dans l’ordre des idées reprises de son précédent jeu, on retrouve le fait de renseigner sa date de naissance dans l’écran de démarrage, ce qui lie irrémédiablement Sam au joueur et ajoute quelques fonctionnalités sympathiques (comme la possibilité de se faire “souhaiter” un joyeux anniversaire par les personnages du jeu). Le statut de Sam en tant que “Homo Ludens” (littéralement “l’homme qui joue”) permet aussi une transposition des rôles intéressantes, mais cela a déjà été développé dans un précédent article de Light01c.

“L’homme qui joue” au sens littéral est aussi l’homme qui a des besoins élémentaires (à l’opposé du mythe du héros classique dans le jeu-vidéo, qui sauve le monde sans boire, ni manger, ni dormir). Ici Sam a la routine de n’importe qui. Il travaille, se douche, va au toilette, s’occupe de sa boite mail, de son enfant, se désaltère, se regarde dans le miroir et s’endort (pour récupérer après le travail). Si le caractère routinier du jeu vise à en décourager certains (comme c’était déjà dans le cas sur Metal Gear Solid V : The Phantom Pain) et qu’il repose sur la gestion, la prévision, et le caractère fedex des missions, il permet surtout de toucher à des thèmes et à des idées inexploitables sans. Le sentiment de routine peut faire mûrir diverses idées sur la nature de notre travail, le voyage que l’on doit accomplir et le sens que l’on donne à nos actes (trois pensées qui nous accompagnerons durant l’aventure). Il va de soi, que c’est moins héroïque que de renverser une dictature, affronter un demi-Dieu ou survivre face à une troupe de zombies, mais c’est aussi un moyen différent de communiquer. Loin de l’esbrouffe qui tient à nous vendre un monde fictif rassurant/dépaysant dans lequel nous sommes tout puissant, Death Stranding présente le monde d’après, celui qui suit notre réalité, s’insère en elle, et nous décrit comme nous sommes.

Cette notion d’avatar fait donc corps avec le propos du jeu et ce, à différent degrés, qu’il soit ludique ou thématique.

A l’inverse ce qui connecte directement le joueur au jeu se retrouve aussi dans la manière dont Death Stranding devient rapidement “méta” en évoquant des notions qui ne peuvent s’adresser qu’aux joueurs uniquement. C’est le cas par exemple du personnage de Higgs qui évoquera le “game over”, le “combat de boss”, le “ras-le-bol de farmer”. Mais cela se retrouve aussi par le biais de gags visuels ou de réflexions bien senties, comme le personnage d’Heartman qui distribue des “likes” aux joueurs durant les cinématiques (chose qui n’apparaît que sur le HUD du jeu) ou encore la fameuse référence à Mario et à la princesse Peach durant une conversation entre Sam et Amélie.

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“GAME OVER SAM ! NO CONTINUES FOR YOU” écrit par Higgs sur les murs de sa planque.

Enfin, la connexion entre Sam et le joueur s’opère surtout par le gameplay. Si Metal Gear Solid V : The Phantom Pain misait avant tout sur la liberté de mouvement pour faire ressentir la pleine incarnation et maîtrise de son personnage, Death Stranding va à l’inverse miser sur la contrainte et la découpe des mouvements de Sam. On contrôle notre héros comme une marionnette, les deux gâchettes L2 et R2 désignent respectivement les bras gauches et droits, et servent tantôt à saisir ou lâcher une mallette de la main qu’on le souhaite (avec une pression de touche localisée du côté duquel on souhaite user de son bras) tantôt à se pencher d’un côté plutôt qu’un autre pour éviter une chute ou à raffermir sa position (en pressant en simultanée les deux touches). En suivant la même logique, la touche R1 (au dessus de R2) commande la main droite de Sam (plutôt que son bras droit) de couvrir sa bouche aussi longtemps que le joueur restera appuyé sur la touche. En revanche, appuyer brièvement sur R1 projettera l’onde de l’odradek, quand appuyer sur L1 nous fera passer en vue FPS (ce qui fait ressortir notre “marqueur” lorsqu’on le perd de vue et nous permet de “poser” des panneaux avec les flèches directionnelles). R1-L1 devenant ainsi deux touches qui peuvent se combiner dans notre perception de l’environnement (ce qui nous entoure) puis de notre trajet (plus recentré sur nous même). C’est d’ailleurs par la touche L1 que nous accéderons au BB (en combinant la dite commande par une pression de la flèche du bas), qui est lui-même responsable du bon fonctionnement de notre odradek.

De la sorte certaines actions deviennent des chorégraphies. Par exemple, presser la touche “carré” nous permet de donner un coup de poing, mais s’équiper d’une mallette en restant appuyé sur L2 ou R2 pour relâcher la touche au moment où le coup part permet de jeter la mallette. Death Stranding regorge de petites idées similaires dans le gameplay qui permettent la découpe des mouvements de Sam et l’appropriation de petits gestes du quotidien dans la vie d’un livreur. Le fait de rester ou non appuyer pour définir si le personnage tient ou pas un objet, rappelle nécessairement les productions de Fumito Ueda auxquelles Hideo Kojima rendait déjà hommage dans une séquence de Metal Gear Solid 2 : Son of Liberty (où le héros devait tenir la main à un personnage féminin durant tout un niveau, en référence à Ico). C’est par la sensation et les automatismes, manette en mains, que Death Stranding permet l’incarnation. On pourrait rajouter à tout ceci le fait que les rires et les pleures de BB sortent du micro de la manette (par défaut), ce qui rend la présence de ce dernier plus palpable car plus proche du joueur (littéralement dans ses mains, à la hauteur à laquelle Sam le porte).

Si Death Stranding propose un personnage avec des mouvements moins amples que les autres jeux (ayant pour personnages principaux des militaires, des agents secrets, ou des personnes surentraînées), il reste cohérent vis-à-vis de sa proposition et de sa construction. Le manque d’option de couverture dans le gameplay est comblé par le fait que la boucle de gameplay ne repose pas sur des phases de tirs et qu’en dehors des Homo Démens (qui ne feront qu’une seule apparition dans la trame principale) et des trois passages dans l’Hadès (sur lesquelles nous reviendrons), la majorité des attaques se feront par “zone” (ce qui nous pousse au contraire, à la fuite ou à rester en mouvement pour faire face). Ainsi, pour rester logique vis-à-vis de son univers, les mules nous attaquerons principalement par le biais de bâtons électriques (attaque de zone), ce qui ne fera que nous assommer (plutôt que de nous tuer). L’aspect zoning est d’ailleurs renforcé par le fait que le radar ennemi (qui fonctionne comme notre odradek) ne remarque notre présence que si nous sommes ‘les pieds cloués au sol”, le joueur peut ainsi passer entre les mailles du filet s’il saute au bon moment (au passage de l’onde sur sa position), ce qui renvoie à l’hommage à Mario (où à l’inverse on saute sur les ennemis).

Bien-sûr, il est toujours possible pour le joueur de simplement renvoyer l’onde en activant son odradek dans le même temps. Ce qui est plus facile que de sauter au bon moment.

Sam ne peut pas ramper s’il transporte pendant les trois quarts de l’aventure plus d’une cinquantaine de kilos sur le dos, le jeu prévoit donc qu’il utilise son environnement, et plus particulièrement les hautes herbes pour se dissimuler. Ce qui est devenu “cliché” dans les jeux-vidéo modernes, mais fonctionne très bien dans Death Stranding, grâce à la thématique qui est de se “reconnecter” à la nature et à la logique intrinsèque aux conditions de voyage de notre héros.

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Le jeu a l’intelligence de “rajouter” une contrainte non négligeable à cette convention de gamedesign. Nos cargaisons peuvent trahir notre présence.

Pour ce qui est de l’Hadès et du manque de couverture, notre première rencontre avec Cliff Hunger se déroule dans les tranchées de la première guerre mondiale, nous éliminons les squelettes un-à-un jusqu’à remonter à la position de Cliff qui tente vainement de nous ralentir en les réinvoquant. L’unique solution est d’emprunter le bon chemin pour remonter jusqu’à l’ennemi (qui entrave notre route avec ses squelettes). Dans notre troisième rencontres, nous nous situons à la guerre du Vietnam, et l’ensemble du niveau est construit pour favoriser l’infiltration par le biais des hautes herbes. Seule notre deuxième rencontre dans un milieu urbain durant la deuxième guerre mondiale, pose un réelle soucis (malgré quelques baleines dissimulées ça et là pour nous cacher).

La connexion entre Sam et son environnement :

Les extinctions…Il y’a eu de grandes périodes dans le passé de la Terre, et il y’a eu 5 extinctions. C’est le moment où l’on voit tout à coup des populations animales disparaisse à 50 voir 80% et puis, d’autres espèces réussissent à survivre. Les espèces qui passent au travers sont celles qui sont bien adaptés, qui vivent en harmonie avec la nature et qui peuvent donner et recevoir. Un peu comme les tortues qui existent depuis 300 millions d’années. Ou encore les rats, ils ne sont pas très intelligents, mais ils se sont installés dans un rapport harmonieux. Nous, on est “zéro” sur le plan du rapport à l’harmonie. On est des saccageurs, on saccage tout autour de nous d’une façon invraisemblable. Donc on dit, c’est ce qu’on admet, nous sommes dans la 6eme extinction…Ce n’est pas quelque chose à venir.

L’astrophysicien Hubert Reeves – https://www.youtube.com/watch?v=OZMnsTJHIfA&list=LL&index=16&t=57s&ab_channel=CarlLabVHS

La connexion est le véritable “cœur” du jeu, quand la marche n’est qu’un moyen. Le joueur marche et se reconnecte progressivement. La deuxième connexion est élémentaire, elle représente celle avec la nature, avec le sol sous nos pieds.

La première partie de l’open world de Death Stranding, est construite comme un hommage au film “Stalker” d’Andrei Tarkosvki sorti 1979.

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“La Zone” du film Stalker.

On peut constater qu’Hideo Kojima a acheté le film en blue-ray à la fin du développement de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, mais une interview réalisée peu de temps avant la sortie de Death Stranding, nous informe que le créatif nippon connaissait ce film depuis sa tendre enfance et qu’il a toujours voulu que ses jeux transportent son public de la même manière que les œuvres d’Andrei Tarkovski (qu’il considère comme son mentor) :

Le film “Stalker” est l’adaptation d’un roman de science-fiction russe nommé “Stalker : pique-nique au bord du chemin” écrit par Arcadi et Boris Strougatski en 1972. Hideo Kojima s’est déjà inspiré d’un autre roman des mêmes auteurs pour Death Stranding, je vous renvoie vers cet article pour plus de détails.

Le synopsis du roman est le suivant :

L’Homme découvre l’existence d’une forme de vie extraterrestre, et sa venue sur Terre. Pourtant, il ne s’agit que d’une brève visite : à défaut d’une rencontre directe avec l’homme, les visiteurs semblent ne laisser qu’une marque de leur passage, sous la forme de six vastes zones qui sont le lieu de phénomènes étranges et inexplicables. Ces zones sont un mystère complet, puisqu’il est impossible de savoir si elles sont un moyen de communication avec les extraterrestres, une manière de piéger l’homme, ou une marque de passage non intentionnelle. Ces zones se trouvent ainsi placées sous la protection de l’armée et sont soumises à des recherches scientifiques : les savants cherchent à comprendre et exploiter les objets laissés par les extraterrestres, tandis que l’armée tente d’empêcher le pillage des artefacts et leur diffusion dans le reste du monde.

Les pilleurs d’objets sont nommés stalkers, personnes qui vivent pour explorer la zone et y revendre les objets qu’ils y trouvent. Cette tâche est par ailleurs délicate, la zone étant truffée de pièges mortels.

Synopsis Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Stalker_:_pique-nique_au_bord_du_chemin

Bien que le roman puisse être intéressant par rapport à l’univers de Death Stranding et au rôle que peut jouer notre héros dans l’aventure, nous ne l’aborderons pas directement dans cet article, afin de ne pas perdre de vue le propos central. Néanmoins, je recommande sa lecture. Il était nécessaire de le présenter un minimum pour aborder le film d’Andrei Tarkvoski qui permet d’ouvrir le champs à de nouvelles idées.

Trailer du film Stalker.

Si le roman des frères Strougatski appartient au genre de la science fiction, il faut savoir que son adaptation cinématographique va épurer le récit afin de se focaliser sur le propos philosophique de l’œuvre. L’adaptation d’Andrei Tarkovski s’approprie l’univers du roman pour raconter sa “propre histoire”. Le film reprend le contexte posé par le roman, mais concentre son intrigue autour de trois personnages : Le stalker, un écrivain et un scientifique. Chaque personnage représente une “vision”, le stalker représente l’homme de foi, l’écrivain représente le philosophe et le scientifique représente l’homme de raison. Le Stalker a pour but de guider nos deux compères dans la Zone (dont la réelle origine reste inconnue dans le film) afin qu’ils atteignent la “chambre des souhaits” qui, parait-il, peut exaucer les vœux. Ce qui est intéressant vis-à-vis de Death Stranding et qui sera plus amplement développé par la suite, et la symbolique qui accompagne les divers hommages du game designer nippon.

En effet, lorsque le Stalker pénètre la Zone dans le film d’Andrei Tarkovski, il renoue un lien avec la “nature”. Son “véritable” chez lui, n’est pas la société humaine où il est contraint de suivre certaines obligations (travail et famille) mais plutôt la Zone où il regagne un sentiment de liberté et de plénitude en arpentant les terres désolées d’un monde à part (qu’il est impossible de reprendre).

Femme du Stalker : Tu voulais te remettre au travail ! Ils te promettent un poste tout à fait satisfaisant !

Stalker : Je serai très vite de retour.

Femme du Stalker : C’est ça, de retour en prison ! Sauf que cette fois tu écoperas de 10 ans, oui, du double ! Tu pourras lui dire adieu à ta Zone, et à tout le reste ! Et moi je crèverai dans l’intervalle !

Stalker : je me sens partout en prison.

“Stalker” – film du réalisateur Andrei Tarkovski
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image du film.
Le chien est un animal psychopompe.

Cette image de l’homme qui regagne un sentiment de liberté en sortant de la société humaine, et qui va renouer avec une nature verdoyante ayant pris le dessus sur la civilisation se retrouve dans la première partie de l’open world dans laquelle le joueur foule un monde revenu à ses origines, et quasi-uniquement recouvert de “mousse” (à cause des nombreuses précipitations). Sam Porter Bridges démarre son aventure dans des terres où il doit se reconnecter à l’essentiel.

On apprend à traverser les rivières, à identifier les chemins, à éviter les cailloux qui pourraient nous faire trébucher et dans le même temps, on resitue la place de l’être humain par rapport à son environnement. Le joueur a besoin de définir des itinéraires (en traçant des routes depuis la carte), de mesurer ce qu’il est possible ou non de faire (pourrais-je descendre de cette montagne sans encombre ?) et de prendre son temps (pour se reposer avec BB et pour analyser le terrain). Nous ne jouons pas un être doué de facultés extraordinaires (à part pour son statut de rapatrié qui lui octroie quelques avantages), et cela amène forcément à percevoir ses propres limites dans la solitude. Le fait par exemple, d’avoir à porter sur soi son propre inventaire au lieu de le cacher dans une poche magique (comme dans les Grand Theft Auto), accentue l’immersion mais surtout permet au joueur de se rendre compte du défi technique qui s’impose à lui, car il devra supporter le poids de la marchandise qu’il doit livrer et celui des outils qui seront nécessaires à son voyage et à sa survie. Cela participe au sentiment que pris indépendamment les uns des autres (sans entraide) nos moyens sont rapidement limités car notre Sam ne pourra soutenir à lui tout seul le véritable nombre d’échelles et de grappins dont il a besoin pour sa livraison. Cette impuissance amène une réflexion sur le “sol” qu’on foule, on apprend à regarder près de soi comme au plus loin, on définit ses limites avec le peu qu’il nous reste. Je considère que l’aboutissement de tout ceci se retrouve dans les réseaux de tyroliennes que peuvent construire les joueurs. Parce que les tyroliennes résultent d’une évaluation des distances, d’une connaissances des itinéraires et de la maitrise de son environnement. Le joueur crée son propre chemin après avoir gagné en maîtrise, ce qui est plus gratifiant que de reconstruire les véritables routes telles que prévues par Bridges, et démontre que nous dispenser de la marche (le moyen), ne revient pas à nous dispenser de l’idée de la connexion (la fin).

Exemple de réseaux fait par les joueurs :

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https://twitter.com/latonglibre/status/1249661732898902018?s=20
(Merci à Latong, membre émérite de French Stranding)
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Sans même faire usage des tyroliennes, nos “routes” sont essentiellement des points qu’on relie/connecte sur la carte pour définir l’itinéraire le plus “pratique” et le plus “optimal”.

Cette manière de resituer la place de l’être humain dans la faune et la flore, est mit en exergue dès l’introduction, où Sam est dans une situation égale à celle des animaux.:

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Comme l’avait déjà précisé Light01C dans son article “L’éveil de l’Homo Ludens” :
https://frenchstranding.fr/death-stranding-leveil-de-lhomo-ludens/
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Sam a l’idée de sauter par-dessus le ravin lorsqu’il aperçoit des cerfs le faire.
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Ils courent le même danger.
(Introduction au joueur du concept des précipitations/timefall)
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Le cerf qui a survécu au saut par dessus le ravin se cache dans la même grotte que Sam.
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“C’est Death Stranding, ils sont supposés être “échoué”. Echoué comme des baleines ou des dauphins. Ils s’échouent sur des plages et je voulais exprimer la même idée pour Sam”
Hideo Kojima au sujet de cette scène, dans son interview/analyse chez Gamespot :
https://www.youtube.com/watch?v=1sMNtH21-JU&ab_channel=GameSpot
Sam est donc métaphoriquement dans la même situation que les baleines et les dauphins (ce réveil se répétera par la suite à chaque visite sur la grève, où l’idée de la plage rend plus évidente la métaphore).

Suite à la dénucléarisation mondiale de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain (précédent jeu d’Hideo Kojima où les joueurs pouvaient virtuellement dénucléariser le monde), le créatif nippon a voulu recentrer ses ambitions sur les individus pris à part, plutôt que sur la “communauté”. Le but de sa démarche n’est pas d’imposer son message, il cherche avant tout à faire conscientiser une idée chez le joueur. Ainsi, bien que le jeu ne soit pas ouvertement écologique, il fait comprendre aux joueurs que sa “situation” n’est pas dissociable de celles des autres êtres vivants. Cette recontextualisation passe par la reconnexion à la nature (dans son hommage au film “Stalker” de Tarkovski), la peur du danger (avec une menace commune) et dans le rôle qu’il nous fait jouer. Être un livreur dans un monde où le réseau a disparu (qu’il soit routier ou virtuel), permet un retour à l’état de nature (l’état primitif de Sam avec des empreintes de mains négatives). Chaque action de la société demande désormais un effort conséquent et le sacrifice personnel de quelqu’un, tout repose sur l’humain puisqu’il est débarrassé de ses outils et de sa technologie (disparition de l’automatisation).

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Le caractère du “martyr” est marqué de différentes manières durant toute l’aventure, mais l’image de la “croix” revient plusieurs fois :
– Une fois avec une cicatrice sur le ventre de Sam lors de sa première apparition sur la plage (début de son voyage)
– Une fois avec le dernier point-relais (fin de son voyage)
Même si nous pouvons aussi la voir sur le ventre du personnage de Clifford Hunger à notre première visite de l’Hadès (pour lier inconsciemment son statut à celui de Sam).

Dans la vision d’Hideo Kojima, il ne convient plus de changer le monde par le biais d’une communauté (dénucléarisation) mais plutôt de réfléchir à la place que tient chaque individu par rapport à cette même communauté. Chaque homme est le chaînon qui permet le maintient du statut-quo. L’entraide est au centre de nos sociétés et la dégradation de l’environnement est le réel danger (nous devons recontextualiser notre place au sein de la nature). Lorsque nous commençons, nous n’avons ni exosquelette, ni arme, et nos outils sont limités (une corde et une échelle), le joueur doit donc reconsidérer son environnement. Les dangers auxquels nous ne pensions plus, redeviennent réelles et nous apprennent à observer la nature (aussi belle que dangereuse). Ainsi le jeu conscientise chez le joueur, un message écologique et ce, bien que son scénario ne soit pas explicite sur le sujet. Death Stranding traite tout autant de l’évolution de l’homme et de son désir de transcendance face à la mort, que de l’évolution de la société elle-même. Sam débute l’aventure comme un “animal reclus” ou un homme préhistorique, et devient à la fin du jeu l’étape suivante de l’humanité (l’homo-ludens). Pour la société, le message est un peu plus subtile…

Prenons les routes par exemple, il ne s’agit pas d’en créer de nouvelles, mais plutôt de “reconstruire” les anciennes à partir de la mémoire de Bridges. Ceci amène un retour en arrière (plutôt qu’une réelle avancée), nous retrouvons les circuits routiers de l’ancien monde. Mais cela amoindrie fortement la difficulté (faisant même passer au second plan les camps de mules et les échoués), en plus de faire “disparaître” la beauté de la nature.

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Les restes de l’ancien monde réémerge.

Reconstruire une route qui traverse toute la map fait inévitablement écho à la route 66 des Etats Unis et le jeu ne s’en cache pas :

À l’époque, le pays été quadrillé de chemins, de routes, d’autoroutes…Il y’en avait même une, la Route 66, que les gens empruntaient pour aller jusqu’à la côté Ouest. C’était comme une sorte de pèlerinage. Reconstruire les routes, c’est permettre aux gens de rêver à nouveau…C’est le vieux rêve américain, cette croyance que la réussite et la prospérité sont à portée de tous.

E-Mail Expéditeur : S23-18 Ancien / Objet : Reconstruire les routes, c’est reconstruire l’Amérique

Faire renaître les routes de l’ancien monde revient à permettre aux gens de rêver à nouveau…Mais quand est-il du bien-fondé de nos actions, si le “rêve américain” n’est en réalité qu’un mensonge ? “America is a lie” comme nous le confessaient les personnages d’Amélie et de Deadman…

Ce retour en arrière serait destructeur. Nous reconstruirions un monde bâtit sur de fausses promesses pour tourner en rond comme le disait Sam :

Ce n’est pas en recouvrant le monde de câbles qu’on met fin à la guerre ou à la souffrance. Soyez pas trop surpris quand ça va foirer. Ce sera pas la première fois ! Franchement, vous tournez en boucle, hein ! Connecter, reconnecter…C’est pas aussi simple !

Sam Porter Bridges à Diehardman
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Le monde n’est-il pas plus beau avec moins de construction ?
Qu’implique le progrès vis-à-vis de nos idéals de vies s’il fait disparaître l’adversité ?
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Ironiquement, c’est l’asset des échoués “méduses” qui a été utilisé pour faire le dessous des routes.

Ce refus du retour en arrière est incarné par deux éléments clefs, le premier est le dernier échange entre Die-hardman et Sam. Die-hardman se confesse sur le meurtre du capitaine Cliff Hunger et fait passer son acte comme un “mal nécessaire” pour rester loyal à la présidente Bridget, avant de superposer son “crime” au choix de Cliff Hunger de l’épargner sur la plage. Cliff Hunger aurait épargné Die-hardman pour qu’il puisse continuer à jouer son rôle et être président…Finalement agir comme Die-hardman l’a fait était ce qui se rapprochait le plus de “l’amour de l’Amérique”… John (Die-hardman) et Cliff était d’anciens soldats, ils n’ont fait qu’obéir au président (Bridget pour John, Die-hardman pour Cliff) pour le maintien de l’ordre dans le pays. Le soldat protège le président, qui lui se croit immortel derrière son bureau…

Die-hardman : C’est moi qui ai tué le capitaine Cliff Hunger. J’aimerais vous dire que c’était pour le pays. Pour l’amour de l’Amérique. Mais ce serai faux. Je ne l’ai fait que pour elle, parce que j’étais amoureux d’elle. Je l’aimais comme un fou. Elle représentait tout pour moi. Tout mon avenir […] Le capitaine, il m’a sauvé la vie. Vous voulez savoir pourquoi on m’appelle Die-hardman ? Parce que lui ne voulait pas me laisser mourir. Il s’était donné pour mission de me ramener vivant à chaque fois. Et moi, je l’aimais. Je les aimais, tous les deux […] Mais peut-être…Peut-être que c’est ce qui s’en rapproche le plus. Peut-être qu’il m’a fait revenir de la Grève pour quelque chose. Une dernière fois. Il voulait que les choses se passent comme ça. Que je reste malgré tout Die-hardman.

Sam : Non, sûrement pas. Qui veut d’un président qui agit comme s’il était immortel ? Si on ne craint pas la mort, comment accorder de la valeur à la vie ? Et la vie, elle est sacrément fragile en ce moment. Oui les vieilles habitudes ont la vie dure, mais il va quand même falloir qu’elles meurent…Si on doit façonner une meilleure version de l’Amérique. “Les armes sont inutiles ici”. Ce sont ses paroles, pas les miennes.

Dernier échange entre Sam et Die-hardman.

La vision selon laquelle les soldats ne seraient que des pions a toujours été vivement critiqué par Hideo Kojima, mais elle prend ici une ampleur tout autre car Death Stranding critique tout autant l’instrumentalisation de l’homme (qui ne serait plus qu’un outil ou un bâton) que la “pensée” américaine (incarnée par le président et le désir d’être loyal envers son pays peu importe le coût).

Le deuxième élément est le départ de Sam à la toute fin. La fin nous ramène “presque” au postulat du début : Sam quitte la société, redevient un fugitif (en désobéissant à l’ordre d’incinérer un BB) et abandonne tous ses liens (Deadman, Heartman, Fragile ect). La seule chose de réellement différente est qu’il est sorti de sa “condition” d’homme “primitif”. Il peut désormais avoir des liens avec autrui et cela s’exprime par le biais de son sauvetage de “Louise”. Puisque Sam ne retarde pas la sixième extinction pour l’Amérique ou ses “amis”, mais juste pour permettre à Louise d’avoir droit à son temps de vie sur Terre. Un lien père-fille, qui fait inévitablement écho au lien Amélie-Sam, et qui cause le sacrifice de l’agent d’extinction pour la survie de l’humanité…

Dans une période où l’on croit dominer la nature en la tuant à petit feu, on se rend compte au contraire que nous nous sommes uniquement adaptés à cette dernière (jusqu’à faire disparaître la contrainte de toutes les équations) et que sans prise de conscience adéquate, c’est la nature elle-même qui risque de nous faire disparaître (réchauffement climatique, manque de ressources, catastrophes naturelles). Ce renversement s’opère à différentes échelles, précédemment nous avons vu que nous devions étudier notre environnement (analyse de la topographie par le biais de l’odradek) et que nous occupions la même place que les “animaux”, mais il faut aussi signifier que les diverses menaces sont des “métaphores”. Les fameuses précipitations (qui accélèrent le passage du temps) pourraient être décrites comme des pluies acides, les “échoués” baignent dans la poix (matière collante, visqueuse et inflammable à base de résines et de goudrons végétaux) qui fait songer au pétrole et aux graves collisions en mer de pétroliers (qui laissent des animaux englués, plutôt que des “échoués”) et lorsqu’on se fait attraper le joueur doit faire face à des “animaux en poix” (baleine, dauphin, poulpe, lion) comme une vengeance.

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Les hommes se retrouvent eux aussi dans le pétrole.

C’est le paradoxe du slogan ” Il faut sauver la planète”, on l’emploie comme si on se situait au-dessus d’elle et que son sort était accessoire, mais elle survivrait très bien sans nous. Nous devons sauver l’humanité (comment échapper à l’extinction ?) et pour se faire nous devons nous débarrasser des guerres fratricides qui visent à faire disparaître les “véritables” problèmes.

C’est ce qui est très ironiquement exprimé par le biais de notre dernière confrontation avec Higgs, qui répond à un certain cahier des charges :

Il n’y a pas d’échoués, pas de néantisation, rien pour nous faire chier. Ce sera un bon vieux combat de boss à l’ancienne.

Higgs – dernier combat de boss (épisode 9 :Higgs)

Higgs représente un faux “obstacle”, le vaincre ne changera rien à la situation. Il le dira de lui-même à la fin de l’affrontement en félicitant Sam de manière ironique, mais il faudra quelques heures de plus aux joueurs pour le comprendre :

Félicitations Sam. C’est toi, qui as gagné. Mais dommage que t’aies pas arrêté ce merdier.

Higgs – dernier combat de boss (épisode 9 :Higgs)

C’est forcément plus simple à comprendre pour un Higgs faisant lui-même parti du plan d’Amélie. Mais lorsqu’on a fini le jeu nous savons que le réel danger n’est pas Higgs, mais l’extinction. La fameuse réplique “Je suis Mario et t’es la princesse Peach” présente un jeu-vidéo où Higgs marquerait la fin de l’aventure (avoir vaincu Bowser en trouvant la princesse dans le château), et où la finalité n’aurait été que de récompenser le “joueur” d’une happy-end où son héros et sa bien-aimée finissent main dans la main (la “fameuse” course sur la plage en slow motion). Death Stranding cherche à démontrer qu’il est temps de passer à l’étape suivante où le jeu-vidéo devient politique car il permet de tenir un discours (par le gameplay) qui pousse à la réflexion, et qu’après les crédits de fin d’un jeu vidéo (ou d’un film) l’illusion du changement ou la victoire des “gentils” sur les “méchants” s’estompe vite pour nous laisser “seul” face à une tout autre réalité. Si la course d’Amélie et Sam s’avère gênante lors du premier visionnage, c’est avant tout parce qu’elle exprime au premier degrés (et avec des graphismes photo-réaliste) ce qui représente encore aujourd’hui la finalité de beaucoup jeux-vidéo (qui le font avec un certain détachement).

Avec Death Stranding, j’essaie d’aller à contre-courant de la fluidité d’action grisante à laquelle on est habitués depuis Mario. C’est pourquoi le personnage de Norman a des difficultés à se déplacer.

Hideo Kojima – http://www.kojipro.be/hideo-kojima-le-but-de-death-stranding-est-de-reconnecter-monde/

La suite débouche sur une scène dans laquelle Die hardman est trahi par Bridget (qu’on croyait alors morte) et Clifford Hunger déclenche un “cliff-hanger” (ironique) alors que Sam observe la scène au sommet d’une falaise (traduit “Cliff” en anglais, doublement ironiquement). Je ne peux pas dire que cela soit très subtile, néanmoins les intentions d’Hideo Kojima sont limpides. L’homme qu’on croyait être le grand méchant n’est pas le “bon”, et les rôles sont redistribués après que l’œuvre ai volontairement parodié la vacuité des jeux uniquement basés sur leurs complétions. De part son titre “échouage de mort”, son slogan “Demain est entre tes mains”, et son imagerie où un “livreur transporte un nouveau né pour reconnecter une société”, Death Stranding était déjà annoncé tel quel, c’est à dire avec l’ambition de proposer un constat et un premier pas qui sortent du carcan habituel des triples A.

La connexion entre Sam et les autres :


La troisième connexion, tout aussi élémentaire, est celle avec l’autre. Elle est incarné dans un premier temps par “BB-28”.

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Une des premières connexion entre Sam et BB-28, montre BB-28 poser sa main à la surface du pod.
L’image de la main est omniprésente dans le jeu.

On m’a dit que tu t’appelais Sam Porter…Mais tu es Sam Bridges. Mon pont vers l’avenir. Sam. Celui qui rapproche les gens. Tu es leur pont vers l’avenir.

Dernier affrontement entre Sam et Clifford Hunger (épisode 10 : Die-hardman)

Si Sam peut devenir un “Pont” en changeant de statut (passer de Sam Strand, l’homme ayant des liens, à Sam Porter Bridges, le porteur créant des liens entre les hommes) et qu’il incarne le changement du “bâton” (livreur) à la “corde” (en sauvant l’humanité), BB-28 lui, est naît en tant que “corde”. De par son usage, il est prédestiné à se “lier” à autrui, et il fonctionne par le biais d’un “cordon”. Il est porté au niveau du ventre et a besoin d’avoir l’illusion d’être lié à sa mère.

Ces capsules ont étés conçues pour reproduire les conditions à l’intérieur du ventre de la pseudomère. Il est indispensable que les BB s’y croient en permanence pour pouvoir fonctionner correctement.

Deadman – première panne de BB-28 (épisode 2 : Amélie)

Son usage en tant que corde rend le message d’Hideo Kojima plus explicite : Il permet au joueur d’avoir une compréhension du monde différente. Dans un sens littéral, par le biais de l’aide qu’il fournit au joueur dans le gameplay (code couleur soulignant les zones à risques et usage de l’odradek) et qui crée une forme de complémentarité où la survie de Sam dépend de l’analyse du terrain de Lou, et où la survie de Lou dépend des choix de Sam (le passage où Deadman nous enlève Lou est particulièrement “révélateur” pour le joueur, et sert à renforcer indirectement le sentiment que le joueur et BB ont toujours été un duo). Mais, cela fonctionne aussi dans un sens plus métaphorique car il représente le “seul” compagnon avec lequel le joueur peut “réellement interagir”. Cela se retranscrit par le biais du gameplay, avec la possibilité de “bercer” Lou (avec le motion gaming qui donne une dimension physique à l’acte), de le faire rire (en faisant pipi ou en faisant un double saut en référence à Mario), par le biais de la bande son, par le biais de l’intimité qui lie nos deux compères, que cela soit dans la private-room (où Sam demeure seul avec BB-28 90% du temps) ou dans les souvenirs qu’ils partagent puisque Lou peut accéder indirectement à l’esprit de Sam (grâce à sa fonction d’écho).

Lou représente aussi une reconnexion réparatrice vis-à-vis du passé de Sam. Par l’intimité qu’il partage avec lui et les interactions que Lou peut avoir de lui-même avec le joueur (donner des “likes”, tourner en boule, pleurer, rire dans le micro de la manette ect), il devient indirectement “l’enfant” de substitution (pour Sam et pour le joueur). Mais ce qui manque à Lou, est le “toucher”. C’est ce que retranscrivent la frustration et la peine de Clifford Hunger lorsqu’il observait BB-Sam et c’est ce qui marque la conclusion de l’histoire de Cliff et de Sam quand ils sortent leurs BB respectifs de leurs capsules.

Lou était le nom que vous vouliez donner à votre propre bébé, s’il avait survécu.[…]Le mari s’en est tellement voulu, qu’il est parti. Et sa femme, la défunte…Elle s’appelait Lucy. Elle était enceinte, la malheureuse. Ils avaient prévu d’appeler leurs fils…Lou.

Deadman à Sam (épisode 8 : Deadman)
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Deux BB dans les bras de leurs pères.
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C’est aussi ce qui définissait la phobie de Sam et son “facteur d’extinction”, et cela disparaît à la toute fin.

La dernière étape de la connexion vis-à-vis de BB, concerne le “toucher”. Tout comme Sam qui a besoin de fouler le sol de ses pieds pour se resituer dans l’espace, les personnes ont aussi besoin de se “toucher” pour se lier (car le lien physique fait parti intégrante du lien émotionnel et psychologique).

“C’est tellement dur de créer des liens quand on ne peut pas serrer la mains des gens”

Higgs – premier combat de boss (épisode 2 : Amélie)

Le caractère “absurde” du BB, prisonnier d’une capsule, permet à l’esprit de Sam de se réparer (par un regain d’amour propre et une confiance mutuelle) avant de s’ouvrir physiquement et de vaincre sa phobie. Chose qui, malheureusement, n’est pas retranscrit à la manette.

Néanmoins, in-game, la crainte d’être touché (phobie de Sam) est retranscrite par la peur des échoués (représentés par des mains). Cette dernière s’appuie également sur deux concepts : la peur de ce qu’on ne voit pas et la peur de l’autre. Ces deux concepts seront progressivement dépassés par le joueur, qui réussira à mieux situer les échoués grâce à l’odradek (et donc à BB-28), au social strand system (par le biais des panneaux et d’itinéraires aménagés), et à sa propre expérience, tandis que la peur de l’autre disparaîtra lorsqu’avec l’accumulation de diverses explications et mise en situation (les visites de l’Hadès, la découverte du bébé de Mama, les explications d’Heartman et ses statues d'”échoué”), le joueur pourra voir ce qui se cache réellement derrière les assauts.

On peut aisément comparer les deux réactions de Sam, entre le moment où il découvre un échoué statufié à 7 secondes, et le moment où les échoués ne sont plus montré réellement comme une menace à 21 minute 26 secondes.

Tout ceci entraînera une forme de reconsidération, où le joueur pourra “couper” les liens des échoués et ainsi les libérer (plutôt que les combattre), ce qui les replace dans un cadre plus amical puisqu’ils nous donneront des likes de la même manière que BB-28, les livreurs, les joueurs et tous les PNJ.

La connexion dans la société :

Prévoir le temps est un peu comme prédire l’avenir. Certains animaux ont une sorte de sixième sens qui leur permet d’éviter le danger, mais nous avons mieux : la possibilité de rassembler des données et d’agir en conséquence. L’homme est le seul à pouvoir ainsi planifier son avenir. Nous possédons la capacité de vivre chaque jour en imaginant de quoi demain sera fait. Et notre imagination a autrefois donné naissance à une culture riche et dynamique. Mais quelque part en chemin, nous avons perdu de vue l’avenir. Nous sommes redevenus des animaux, focalisés uniquement sur l’instant présent.

Heartman.
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Etablir des liens à différentes échelles.

La quatrième connexion est celle qui nous pousse à comprendre que nos actions ont toutes un impact dans la société. Chaque pas fait apparaître des empreintes dans la partie des autres joueurs, qui peuvent dès lors choisir (ou pas) de nous faire confiance et ainsi créer un sentier pour le futur. L’aboutissement de cette connexion, est le pont crée entre deux preppers qui incarnent le lien “physique” (apparition de la strand sur la carte) et ainsi reforme une micro-société où le social strand systeme reconnecte tous les livreurs entre eux. Cette reconnexion (qui repose sur un rapport de confiance) rétablit le dialogue entre chaque acteur. Les preppers peuvent de nouveau partager leurs recherches, tandis que les joueurs peuvent désormais partager des panneaux, des outils, des sentiers, des constructions et des livraisons. La géolocalisation de chacun de ses éléments passe par un “appel à l’aide” que le joueur peut lancer manuellement en appuyant sur le pavé tactile, et par l’aide fournie par la menotte (qui comprend divers affichages sur les lieux et le temps). Le dialogue prend sens avec le fait que chaque élément repéré par l’appel à l’aide de Sam, va lui répondre de vive voix comme si les joueurs interagissaient directement entre eux (“Bonjour, j’ai besoin d’une échelle ?” “Pas de problème, en voici une !”). Chaque ancienne ville du jeu comporte dans son nom le mot “Knot” (Edge Knot City, Capital Knot City, Lake Knot City ect), qui signifie “noeud”, “liens” ou “petit groupe de gens”.

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La récompense du jeu pour une confiance mutuelle (suivre les pas d’un autre, permet la création future d’un sentier).

Reconnecter les preppers, permet aussi à ces derniers de nous envoyer des emails et ainsi de quitter leur simple condition de survivalistes (la survie n’est plus une fin en soi). Tout système repose sur la confiance de ses acteurs. En dehors de l’aspect purement survivaliste, les preppers peuvent être aussi considérés comme des “hikikomori”. L’hikikomori désigne un état psychosocial et familial dans lequel des hommes vivent coupés du monde et des autres, cloîtrés le plus souvent dans leurs chambres pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et ne sortent que pour satisfaire des impératifs et des besoins corporels. C’est un phénomène qui a débuté au Japon dans les années 90 et qui touche désormais plus d’un million de Japonais, dont, au moins, 541 000 jeunes dans la tranche d’âge 15-39 ans d’après un sondage de 2015 et 613 000 adultes dans la tranche d’âge 40-64 ans d’après un sondage de 2018 (source : https://www.nippon.com/fr/japan-data/h00463/ ) . Malheureusement, ce phénomène a fini par s’exporter en France, seulement le recensement des hikikomori est extrêmement difficile, dans un premier temps car il s’agit avant tout de personnes recluses, et dans un deuxième temps car l’incompréhension qui entoure ce “phénomène” vise souvent les institutions à classer les hikikomori dans d’autres sous-catégories (les sans emplois, les déscolarisés, les personnes atteintes de phobies ect.). Néanmoins, faire un diagnostique sur les hikikomori revient davantage à étudier la “société’ et les raisons de ce bouleversement, qu’à simplement considérer les hikikomori comme des personnes “malades”. A l’inverse des idées reçues que pourrait se faire la société à leur sujet, ils ne sont pas atteints d’un trouble “psychologique”.

Ce qui est intéressant vis-à-vis de Death Stranding, est le “point de départ” qui lie les thématiques du jeu à la réalité. Avant d’entrer dans les détails, je tiens à préciser que j’ai lu le livre “Hikikomori, ces adolescents en retrait” des autrices Maïa Fansten (sociologue), Cristina Figueiredo (anthropologue), Nancy Pionnié-Dax (psychiatre, pédopsychiatre) et Natacha Vellut (psychologue), et qu’il est sorti le 20 aout 2014 aux éditions Armand Colin. Ce livre tend à aborder les hikikomori sous divers angles d’analyses, afin d’offrir un point de vue et des explications protéiformes. Toutes les citations que j’écrirais ci-dessous, proviendront du dit-livre, que je vous recommande de lire si le sujet vous intéresse.

La dépression, le hikikomori, etc., sont une forme de résistance à la normativité de la compétition, de la flexibilité, de l’engagement subjectif et de l’autonomie, ils sont des moyens d’en contester la valeur pour les êtres humains. Il en existe des versions fortes (disons les théories critiques où le social et le politique sont totalement confondus) et des versions faibles (pour donner des interprétations plus générales dans des analyses empiriques, par exemple). Je ne rejette pas l’idée de « résistance », je pense qu’il faut d’abord la clarifier. Définir ces problèmes comme des résistances, c’est en faire des formes d’action politique par défaut, exprimant un malaise qui est d’abord collectif : c’est un signalement. Au lieu de singulariser le cas, cas clinique ou de politique publique, comme dans le premier emploi, il s’agit ici, au contraire, de généraliser.

[…]

Aujourd’hui, à l’inverse, parce que le travail est de plus en plus organisé comme une relation de service, y compris dans les métiers d’ouvriers et d’employés, il faut posséder une forte équation personnelle consistant en une intelligence des relations sociales permettant d’adopter une ligne de conduite personnelle. Pensez au déclin du concept de qualification de l’organisation taylorienne/fordienne au profit de celui de compétence de l’organisation flexible, et notamment de ce qu’on appelle les compétences non cognitives, dites émotionnelles, sociales ou personnelles. Ces compétences conditionnent la possibilité d’adopter une ligne de conduite dans une organisation du travail où il s’agit de faire coopérer des gens et non de coordonner l’action à partir d’un centre. Dans ce deuxième cas, on a besoin de leur corps, dans le premier, de leur engagement personnel.

L’autonomie devient une aspiration collective dans les sociétés développées à partir de l’après-Deuxième Guerre mondiale, mais occupe encore une place subordonnée dans la hiérarchie des normes et des valeurs. Elle correspond en gros aux Trente Glorieuses, période où nous entrons dans un univers moral où la valeur de la faute décline au profit d’une dynamique nouvelle dans laquelle des masses de gens commencent à vouloir suivre leurs aspirations en affirmant qu’ils sont propriétaire de leur corps et de leur destin.

[…]

Entre les années 1970 et 1980, elle devient progressivement la condition commune et commence à imprégner l’ensemble des relations sociales, c’est-à-dire les idées que nous nous faisons des relations d’interdépendance entre les uns et les autres et d’indépendance les uns vis-à-vis des autres.

Les crises que traversent les individus sont la manifestation de “résistance” (direct ou indirecte) à l’égard de certains mécanismes de nos sociétés. En effet, l’organisation du travail dans la société a connu de nombreux bouleversement avec l’automatisation progressive des modes de production. Tout ceci a amené un changement dans les attentes que les patrons pouvaient avoir à l’égard de leurs employés. Tandis que nous devions originellement mettre à disposition nos corps dans des schémas de travail à la chaîne, nous devons désormais privilégier l’autonomie, la flexibilité et les compétences sociales pour nous intégrer dans un groupe. Tout repose davantage sur l’engagement personnel et inclus notre vie sociale dans le milieu du travail. Nos “collègues de bureaux” ne sont plus des individus en bout de chaîne qui terminent un assemblage sans jamais communiquer directement avec nous, mais au contraire des individus avec lesquelles on doit constamment dialoguer, coopérer et échanger des informations. Il n’y a plus d’un côté la “vie sociale” et de l’autre le “travail”, mais au contraire une fusion des deux qui tend à les indifférencier dans l’objectif d’améliorer la productivité d’une entreprise et qui est la conséquence de la réorganisation du travail (avec l’automatisation). Tout ceci amène une forme de réaction en chaine dans laquelle lorsqu’une personne perd son travail ou subit une désillusion qui l’a pousse à s’éloigner du milieu professionnel (même temporairement), elle renonce indirectement dans le même temps à sa “vie sociale”. Ainsi les cas de hikikomori seraient la démonstration de ce phénomène où des étudiants en perte de repères, des retraités, ou encore des adultes licenciés auraient indirectement renoncé à quasi-toute forme d’engagement (volontairement ou non). L’arrivée d’internet permit aussi aux individus en marge de subsister dans une bulle déconnectée du monde réel.

En ce sens le travail offre une structure qui inclut désormais notre “vie sociale”. Ceci peut amener des conséquences dans lesquelles certains Japonais ne conçoivent plus l’idée de prendre des vacances et manifestent contre le fait d’avoir des jours de congés supplémentaires ( source : https://www.capital.fr/economie-politique/incroyable-les-japonais-se-plaignent-davoir-trop-de-vacances-1335787). Si tout ceci vous parait étranger à Death Stranding, je vous redirige maintenant vers l’illustration de ce phénomène in-game…Si les preppers sont les hikikomori qui ont renoncé à la vie en société, les MULES qui continuent à ressentir un besoin de travailler après le remplacement de leur emploi originel par des machines, représentent uniquement des individus en manque de sollicitation et de rapports avec autrui. Continuer de travailler est un moyen d’entretenir ses liens et de ne pas disparaitre (car tout repose sur cette structure). Bien-sûr tout ceci n’est pas encensé par Hideo Kojima (comme il n’encense pas le rapport maladif aux réseaux sociaux que peuvent avoir certains par le biais des likes et du besoin de reconnaissance), mais il illustre un phénomène. D’ailleurs, l’aspect parodique des MULES semble tout droit inspiré de Mad Max (Hideo Kojima étant un grand fan du réalisateur Georges Miller).

C’est ce même processus qui entre en jeu dans le phénomène des MULES. Certains porteurs développent une dépendance à l’ocytocine et une addiction à ce type d’interactions. D’où leurs comportements excessifs. Ce sont de véritables drogués en manque de reconnaissance sociale, des animaux sociaux à la merci de l’approbation d’autrui.

Entretiens – Die-Hardman “Les likes sécrètent de l’ocytocine”

Les médecins diraient sûrement que c’est l’effet de l’ocytocine. L’hormone sécrétée par le corps humain au contact des autres. Comme quand une mère tient son enfant dans ses bras.

Entretiens – Personnel de Bridges “Ocytocine”

Il n’est donc pas un hasard de constater que les individus sans travail souffrent d’un manque d’ocytocine (hormone du plaisir aussi associée à l’addiction aux likes sur les réseaux sociaux dans le jeu). Le travail devient une raison de vivre pour les individus seuls en manque de sollicitations. Nous remarquerons qu’Hideo Kojima renvoie souvent l’homme à une “condition d’animal” (“animaux sociaux”/”Nous sommes redevenus des animaux”/l’introduction du jeu ect) pour marquer le besoin d’évolution de l’humanité. Recontextualiser tout ceci permet de “rebondir” sur notre précédente critique des Etats Unis, où reconstruire la société à l’identique (avec le mensonge du rêve américain) serait une faute et où Sam délivre son dernier conseil pour “changer” les Etats Unis à Die-Hardman, avant de redevenir un fugitif ne voulant plus prendre part à la vie en société. “Tomorrow is in your hand” ou autrement dit, tout nous reste à faire.

La connexion entre la vie et la mort :

La cinquième connexion est celle qui lie la vie et la mort, elle est représentée par les échoués, la Grève et le rapport constant au passé (une partie des inspirations artistiques responsable de la Grève ont déjà été abordé ici). Nous retrouvons dans un premier temps, l’usage de nos symboles à double ou à triple sens avec la menotte. La Menotte qui renvoie initialement Sam à sa condition de prisonnier/employé de Bridges, fini par devenir un “outil” pour rompre les liens qui retiennent les échoués parmi nous. Des groupes se connectent et en déconnectent d’autres.

De l’autre côté, Sam aura tendance à lui-même s’enchainer à son lit comme le signe d’une “peur” de ne pas revenir de ses visites de la Grève (sous forme de rêve). Dans ce cas présent, la menotte montre le “lien” qu’il souhaite conserver avec son monde (et qui fait écho aux cauchemars de son enfance).

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Ne pas perdre le “lien”.

Si beaucoup de choses pourraient être dites sur le sujet (avec l’abysse et les échoués), je souhaiterai davantage me concentrer sur la manière dont Hideo Kojima réintègre dans Death Stranding les inspirations du réalisateur Andrei Tarkovski avec le film Stalker (vue précédemment) mais aussi le film Solaris.

Pour commencer par ses hommages à Stalker, en dehors du design de la première zone du jeu, quelque chose m’a de suite frappé au visionnement des trailers, à savoir une réutilisation de certaines idées de mise en scène d’Andrei Tarkovski. Cette volonté de remettre en avant les “forces” de la nature et les éléments (la mousse, l’eau, les crabes morts) en faisant de long travelling en plan séquence était typique du cinéma du réalisateur russe et imprégné les cinématiques de Death Stranding. En ce sens, la scène de Death Stranding qui m’intéresse tout particulièrement est une discussion entre Sam et Amélie sur la Grève (que je vous laisse revisionner dans la vidéo du dessous).

Sam s’endort dans sa chambre et se réveille dans sur la Grève.

Tout ce qui s’ensuit est une analyse subjective des intentions des deux réalisateurs, à savoir Hideo Kojima et Andrei Tarkovski. La cinématique s’ouvre avec le bruit des vagues sur fond noir, puis la caméra survole la Grève en direction de Sam. Plusieurs choses sont à notifier, premièrement l’hommage que Hideo Kojima rend à la mise en scène de Stalker, tend à transposer les idées du réalisateur Andrei Tarkovski au cas de Sam. Il pénètre sur la Grève par le biais de son esprit, comme le Stalker qui réalise un voyage intérieur dans la dimension mystique de la Zone. Cette idée est appuyer par la transition logique avec les vagues que le personnage de Sam entend dans “sa tête” (sur fond noir) avant de les voir apparaître, par le symbolisme de l’eau (qui désigne naturellement l’inconscient), mais aussi et surtout par la transition car Sam pénètre sur la Grève après être parti dormir dans sa chambre chez Bridges (Sam s’endort dans son lit et se réveille sur la Grève). Sa position sur le sable, évoque les deux idées : il est échoué sur la plage comme les baleines autour de lui (d’après Hideo Kojima en interview), et son endormissement reflète son entrée dans la Grève (lié au rêve et à l’inconscient). Tout en sachant que dormir en position fœtale témoigne d’un manque d’affection, c’est un détail, mais j’aime bien le préciser.

Là où cela devient réellement porteur de sens, c’est lorsqu’on fait la distinction entre ce que le réalisateur Andrei Tarkovski désirait mettre en avant (des objets qui flottent dans l’eau comme des idées à la surface de notre esprit) et ce que Hideo Kojima appuie de son côté. En effet, notre créatif nippon va filmer un sable bleu, avec différentes couches ayant un ton unique. Le sable bleu foncé (qui s’illumine lorsque la camera le survole) au-dessus de Sam va représenter un ciel étoilé et s’adjoindre avec l’idée que Sam est endormi. Si on peut naïvement y voir une représentation de sa nuit, on va surtout transposer l’idée que les différentes couleurs du ciel (du foncé au plus clair) représentent l’espace et que la plage connecte l’inconscient et le cosmo par le biais du rêve. Le son des vagues qui commence dans sa tête (avant que l’image n’apparaisse) est aussi à la toute fin. Puisque lorsqu’il se réveille dans son lit et qu’il crie “Wait/Attend !” à Amélie, nous pouvons encore entendre le bruit des vagues alors qu’il n’est plus sur la Grève (le bruit reste dans son esprit).

Comme dit précédemment, le deuxième film d’Andrei Tarkovski duquel Hideo Kojima semble s’être beaucoup inspiré est le film de science-fiction Solaris sorti en 1972. Le synopsis est le suivant :

La planète Solaris, recouverte d’un océan, a longtemps intrigué les chercheurs qui y ont installé une station. Faute de résultats concluants, le psychologue Kris Kelvin, un homme bouleversé par le suicide de sa femme, y est envoyé afin de définir s’il faut fermer la station ou non. Sur place, il découvre l’équipe du laboratoire spatial pris par une folie à laquelle il risque de succomber lui-même.

Synopsis Allociné (que j’ai légèrement modifié) : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1414.html#:~:text=La%20plan%C3%A8te%20Solaris%2C%20recouverte%20d,fermer%20la%20station%20ou%20non.
Trailer du film Solaris.

La première chose qui apparait comme une évidence à la lecture de ce synopsis est le rapprochement entre le personnage de Kris Kelvin et de Sam Porter Bridges. En effet, Sam apparait comme un reflet inversé de Kris Kelvin, puisque si les deux épouses de nos héros se sont suicidées, c’est la femme de Sam nommée Lucy qui travaillait dans le domaine de la psychologie (en tant que psychothérapeute), et non Sam lui-même. Ce décalage entre les rôles de nos deux héros crée toute la différence sur l’approche qu’ils vont entretenir avec la présence du “surnaturel”. Ainsi Kris Kelvin va pendant la première moitié du film nier les idées scientifiques trop farfelues qui entourent Solaris, tandis que Sam de son côté, s’est à l’inverse senti incompris durant tout une partie de sa vie à cause de ses cauchemars et de ses visites sur la Grève. Ce qui rapproche les deux personnages en revanche est le sens de leurs voyages, puisque tous deux vont devoir réapprendre à “aimer”. La planète Solaris est décrite comme un être vivant qui communique directement avec la “psychologie” des individus qui entre dans son orbite. Elle détient la capacité de “créer” des clones issus des souvenirs des individus dans son champ d’action pour communiquer avec eux. Kris Kelvin va donc devoir réaffronter sa culpabilité au travers du prisme du clone de sa femme créé par Solaris. Cette histoire a aussi beaucoup inspiré la Silent Team en son temps lors du développement de Silent Hill (je vous redirige vers une vidéo qui en parle si le sujet vous intéresse).

Dans le film, la planète Solaris est entièrement recouverte par un océan qui fait office de métaphore de l’inconscient. Les hommes quittent la planète Terre (leurs foyers, où tout est habituel et accessible) pour partir à la rencontre de leur propre inconscient (où tout est ancien, inaccessible et lié à ce qu’ils ressentent vraiment à l’égard de ceux avec lesquels ils ne sont plus en contact).

“Tu vois – je t’aime. Ca veut dire quoi ? L’amour est un sentiment que l’on vit, mais qui reste inexplicable. Ce n’est pas comme l’idée, qui l’est toujours. Or tu aime ce que tu pourrais perdre. Toi-même…Une femme…Ta patrie. A ce jour, l’humanité, la Terre n’ont toujours pas accès au véritable amour. Et nous sommes si peu ! Quelques misérables milliards ! Et si nous étions ici pour cela, pour ressentir que les humains ont vocation d’amour ?”

Kris Kelvin

La planète Solaris peut ainsi aisément être comparé à la Grève (qui est, elle aussi, liée à nos inconscients). Les quelques autres rapprochement que je ferais et qui ne sont pas innocents selon moi, concernent l’usage de la “couleur” bleu et de la pluie.

Les ondes électromagnétiques à longueur d’onde bleue peuvent aisément voyager à travers l’Abysse jusqu’à la Grève. Certaines personnes pensent que cette longueur d’onde correspond au bleu absent de l’arc-en-ciel inversé. Etonnant, non ? Et donc, vous en conviendrez, le bleu est intrinsèquement lié à la mort.

Entretiens – Deadman “Pas de bleu dans l’arc-en-ciel inversé”

Dans le film Solaris, la couleur bleu est associée au passé. Elle apparait à l’image lorsque Kris Kalvin se remémore un événement, visionne une vieille cassette ou encore brûle d’anciennes photos (pour oublier). Là où dans Death Stranding, la couleur bleu est associé à la mort et plus particulièrement aux échoués, qui sont eux-mêmes des vestiges du passé qui essaient de nous transmettre un message.

Ces premières peintures sont sans doute l’œuvre d’hommes de Neandertal. On y reconnait des daims, des bisons ou encore des chevaux, aux côtés de grandes traces de mains. Certains pensent qu’il s’agit là de la “signature” des premiers artistes. Mais maintenant que nous avons pu observer les mains négatives des Echoués…Nos ancêtres essayent-ils de nous dire quelque chose ? De nous envoyer un signal ?

Entretiens – Heartman “Peintures murales et mains négatives”

De la même manière Andrei Tarkovski met souvent en scène les éléments (feu/eau/terre/feu) lorsqu’il s’agit de rappeler les hommes à la nature, et l’élément le plus mit en avant dans le film Solaris est la “pluie” qui peut elle aussi être associée au temps et à la nostalgie.

Dans cette scène, la pluie est à l’intérieur de la maison.

Néanmoins je précise qu’Andrei Tarkovski n’aimait pas qu’on associe des “symboles” à certaines de ses images (en référant sa démarche à celle des poètes zen), donc j’éviterais de m’étendre davantage sur le sujet et vous inviterais plutôt à vous faire votre propre avis en visionnant ce film (ayant beaucoup en commun avec Death Stranding et Silent Hill 2).

La connexion entre le passé, le présent et le futur :

Chaque jeu d’Hideo Kojima présente selon moi. une sorte une réincarnation numérique de son auteur au travers du héros. En ce sens. il est facile de lier le passif et le processus créatif de Death Stranding à l’histoire qu’il nous narre. Ainsi le point de départ de Death Stranding nous faisait déjà songer au défunt projet Silent Hills avec une impression de “décor de cinéma”, comme si la seule portion de ville explorable renvoyait volontairement à l’ancien projet d’Hideo Kojima afin de “pousser” les joueurs à aller de l’avant et de marquer la continuité (avec un projet qui renaît sur les cendres d’un ancien).

De la même manière chaque preppers du jeu étant une personne qu’Hideo Kojima a rencontré durant le développement de MGS V (Guillermo Del Toro, Junji Ito, Nicolas Winding Refn pour ne citer qu’eux), voir Sam Porter Bridges ayant pour but de créer des liens avec chacun d’entre eux pour aller de l’avant renvoie nécessairement au parcours que due traverser le créatif Nippon lorsqu’il perdit son studio et due tout reconstruire par lui-même.

Sam : “Je vais tenter le coup. Ca pourrait marcher. Enfin, vu l’état de notre monde, ça ne fera que retarder l’inévitable. Mais bon, si cela nous permet de gagner du temps pour bâtir quelque chose de mieux, prendre un nouveau départ, ne serai-ce que pour un moment…Je connais une femme qui a tiré le maximum d’une occasion de ce genre. Rien ne dure éternellement. Pas même le monde. Mais faut le faire tourner le plus longtemps possible, hein ? On bouche les trous, on remplace les pièces. On bricole. Histoire de dire qu’on a vécu un peu, fait un bout de chemin. “

Fragile : “Et vous qui n’aimiez pas avoir à prendre soin des choses…”

Sam : “Parce que j’avais assez de mal comme ça à tenir le coup. Quand on s’est rencontrés dans la grotte, tout ce qui m’intéressait, c’était de survire jusqu’au lendemain. J’en avais vraiment rien à foutre de l’Amérique ou de “l’avenir”. Je vivais dans le mensonge, obsédé par de vieux regrets. J’étais brisé. Mais à un moment donné, en cours de route, j’ai changé. J’ai fait des rencontres et réalisé que tout n’était peut-être pas si noir que ça. Ces gens ont tout misé sur l’avenir, et sur moi. Ils n’ont jamais abandonné. Ils attendaient une lueur d’espoir. J’ai pas le droit de rater mon coup. Je leur dois bien ça.

Dernier discours de Sam à ses “amis” avant d’aller sur la Grève d’Amelie.

Lorsque Sam fait ce discours, la caméra se place dans son dos, ne nous laissant plus entrevoir que les personnes qui écoutent et entourent notre héros (et qui sont les compagnons qu’Hideo Kojima a lui-même pu se faire dans la vraie vie pendant le développement), comment ne pas voir derrière cette symbolique un message qu’il adresserais directement à son audience qui est la seule “responsable” de son retour. Après son licenciement de chez Konami, Hideo Kojima a confié qu’il souhaitait prendre du recul et écrire un livre ou préparer un court métrage, mais c’est le réalisateur Guillermo Del Toro qui l’a invité à refaire un jeu-vidéo et c’est grâce à des “fans” qui lui faisaient confiance qu’il pu louer un studio et faire un emprunt à la banque. Cette tirade de fin, met en exergue l’idée que Death Stranding rend certainement compte du passage dépressif de son auteur et de sa volonté d’en discuter pour aider ceux dans le même cas que lui. On pourrait aussi souligner le fait que l’aventure de Sam est très centrée sur sa “mère” qui meurt au début du jeu (Bridget), ce qui fait inévitablement écho à la mort de la mère d’Hideo Kojima au début de l’année 2017 (soit au début du développement de Death Stranding).

L’idée va même plus loin, puisque Death Stranding va lier indirectement son “hadès” à la thématique du “démon” dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain (son précédent jeu, sur lequel j’ai écrit un article à propos des démons ici). Dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain la figure du démon est associée au militaire qui vit par et pour la guerre. Dans Death Stranding, la guerre qui se situe dans l’hadès (enfer grec, en continuité de la thématique du démon) est décrite comme un non-sens puisqu’elle voit des soldats squelettes combattre éternellement sur les grands champs de bataille de l’histoire. Les soldats étant déjà morts, il ne peut y avoir par définition ni vaincu ni vainqueur. Notre seul obstacle repose sur un malentendu puisque Sam affronte son propre père, à savoir Clifford Hunger et que chaque combat se termine par le personnage de Cliff qui prend Sam dans ses bras (ce qui n’est pas rappeller Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots). Le fœtus de P.T. (teaser interactif pour le projet annulé “Silent Hills”) devient le BB de Death Stranding, et c’est la figure paternelle Clifford Hunger (symbole de Metal Gear, par l’image du démon et du militaire) qui remet à Sam le BB à naître en permettant la réunion du passé, du présent et du futur. Lorsque Lou et BB-Sam renaissent à la fin, c’est le projet avorté de “Silent Hills” qui revit. Sam représente “Silent Hills” devenu Death Stranding, et Lou représente l’éventuel futur pour Death Stranding.

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Une scène chargée en symbolique

Conclusion :

Death Stranding représente un jeu introspectif qui cherche à avoir une portée universelle. Le rapport à la connexion traverse toute l’œuvre et pose de nombreuses questions sur le devenir de l’humanité, que cela soit vis-à-vis de son environnement ou encore dans son développement psychologique. En conclusion, je considère que Death Stranding est une réelle visite de l’intériorité de son auteur. On retrouve tout ce que Hideo Kojima a toujours voulu défendre, montrer, tout ce en quoi il a voulu croire, ses déceptions, ses désillusions, ses obsessions ect. C’est extrêmement complexe à aborder, et finalement c’est une œuvre très japonaise (certainement plus que les Metal Gear sur quelques aspects).

1 réflexion sur “Les différentes formes de connexions dans Death Stranding”

  1. Ping : [Eng] Death Stranding: Redesigning the Open World to change the future

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