Attention : L’article, ici présent, est de la littérature grise donc à ne pas considérer comme scientifique (article n’ayant pas été révisée par les pairs). De plus, il comprend des spoils concernant Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty et Metal Gear Solid 3 : Snake Eater.
“Jamais l’unité du mouvement communiste international n’a été aussi menacée qu’aujourd’hui par le déferlement du courant du révisionnisme moderne. Une lutte acharnée se livre entre marxisme-léninisme et révisionnisme, tant sur le plan international qu’au sein de certains partis. Le mouvement communiste international se trouve placé devant un danger de scission d’une gravité sans précédent.”
La Rédaction, « Les dirigeants du P.C.U.S. − Les plus grands scissionnistes de notre temps »
Renmin Ribao et Hongqi, Février 4, 1964
https://vivelemaoisme.org/les-dirigeants-du-p-c-u-s-%e2%88%92-les-plus-grands-scissionnistes-de-notre-temps-%e2%88%92/
Qui n’a pas gardé un souvenir de jeunesse de Metal Gear Solid 3 : Snake Eater ? Le saut HALO de Naked Snake dans la cinématique d’introduction, le premier face-à-face avec Ocelot, le combat contre The End, la fuite en moto avec Eva face au Shagohod ou encore la rencontre finale avec The Boss…Tant de souvenirs impérissables pour cette œuvre culturelle, mais si je vous disais que l’historicité du jeu allait à l’encontre des idées véhiculées dans Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty en déconsidérant (volontairement ou involontairement) le rôle de la Chine dans la Guerre Froide ? Bien que le contexte choisi ait pu être marginal pour l’époque, et que le jeu ait pu être acclamé pour sa vitrine technologique et ses systèmes, son traitement de la politique étrangère de l’Union Soviétique des années 60 a participé à entretenir une idée erronée de la Guerre Froide. Si les jeux vidéo d’Hideo Kojima ne sont pas attendus pour leurs réalismes (tant dans le scénario que dans le gameplay), ils contiennent tout de même une dimension politique et se revendiquent comme des œuvres militantes, ce qui signifie que la véracité historique du jeu participe à la dimension politique.
Vous l’aurez compris, il ne s’agira pas de prendre le jeu au pied de la lettre, mais à l’inverse de déconstruire le contexte interne du jeu pour le comparer à celui des années 60 en Union Soviétique.
Afin d’offrir un aperçu du problème que pose l’historicité de Metal Gear Solid 3 : Snake Eater, nous allons commencer par présenter le conflit sino-soviétique et son évolution jusqu’à l’année 1964 (année durant laquelle se déroulent les évènements du jeu).
Le conflit sino-soviétique (avant 1964) …
Les relations sino-soviétiques, avant la dégradation avec Khrouchtchev, n’étaient déjà pas excellentes, et ce, déjà au début de la création de l’URSS où Lénine et Staline se méfiaient de Mao (1). Dans les années 1930-1931, dans le contexte de la prise, par l’armée nippone, de la Mandchourie, les tensions entre l’URSS et communistes chinois s’abattaient : les premiers ne voulant pas intervenir afin de ne pas rentrer en guerre contre le Japon et les derniers voulant s’attaquer à l’envahisseur (2). Les communistes chinois choisissent de faire fi des volontés de l’URSS et opèrent une contre-attaque qui débouchera sur une défaite (3). Face à cela, Staline prend les devants en mettant ses hommes (4) (des Chinois formés par les écoles soviétiques) pour contrôler le parti communiste chinois (PCC), mais ces derniers sont défaits par Mao, lui-même, qui arrive à s’accaparer le rôle de leader(5). Quand bien même la défiance de Mao, il prend un ton plus cordial à l’égard de Moscou, au vu de la trop forte dépendance de son parti à l’encontre de l’URSS. Celui-ci purge, néanmoins, les éléments pro-soviétiques (6) durant la guerre sino-japonaise (1937-1945) dans une optique de nationalisation du marxisme-léninisme pour que le parti ne tombe pas sous la coupole du Kremlin.
Durant la guerre civile chinoise (1944-1949), les communistes sont en lutte interne pour savoir la démarche à suivre contre les nationalistes (7) : Mao et les nativistes sont favorables à un rapprochement avec les Etats-Unis (E-U) et l’URSS tandis que les internationalistes, eux, ne veulent être qu’avec l’URSS. C’est grâce à Truman et sa politique étrangère que les internationalistes gagneront la lutte interne (8), obligeant tous les communistes à suivre la direction du rapprochement exclusif envers l’Union soviétique (9), quand bien même Staline ait soutenu les nationalistes (10). Avec la victoire des communistes, en 1949, la République populaire de Chine est ainsi fondée. A ce moment, suite aux faiblesses économiques, Mao est obligé de s’aligner sur Moscou, aussi bien en politique intérieure (aides économiques (11)) qu’en politique étrangère, Mao a l’aval de Staline pour mener l’aide aux mouvements insurrectionnels dans le Tiers-monde ; l’aval qui n’est qu’un calcul pour détourner la Chine de l’Europe et surtout des Républiques soviétiques d’Asie centrale (12) vu que Moscou sait très bien que Mao est un nationaliste qui fait primer les intérêts chinois avant tout (la question des traités inégaux du XIXe) (13) et cela sera confirmé par la guerre de Corée (1950-1953) ainsi que l’incident des volontaires chinois alors que Staline voulait d’abord que la Chine capture Taiwan, avant de s’occuper de la Corée (14) ; sans oublier la rancune du Kremlin envers le leader chinois, sur ce qui s’est passé durant le conflit sino-japonais (purge des éléments pro-soviétiques) et la guerre civile chinoise (volonté de se rapprocher de Washington et la propagande antisoviétique)(15).
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À la mort de Staline et à la prise du pouvoir par Khrouchtchev, l’URSS change de politique intérieure en embrayant la « Déstalinisation », et étrangère via l’Entente avec l’Ouest. Au début, la Chine soutient cela vu qu’elle-même est dans cette optique-là avec la politique des « Cents fleurs » (critique du parti, ect) (16). Néanmoins, le PCC change de ton au vu des effets néfastes des Cent fleurs envers lui (17/18) et de la gestion soviétique en Hongrie et en Pologne (19/20). Les critiques envers Moscou et ses politiques se font de plus en plus nombreuses ; l’URSS s’inquiète et envoie des diplomates pour gérer les différents (21), mais Mao reste sur ses positions (22). Cependant, les différends entre Pékin et Moscou n’engagent pas les aides économiques et militaires (23) à ce moment.
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Avec Spoutnik et la technologie des missiles balistiques, la Chine revoit sa stratégie envers l’URSS, en redevenant plus conciliante (24), afin de pouvoir être sur la table des négociations concernant le camp communiste. Toutefois au vu des positions divergentes entre Pékin et Moscou sur l’utilisation des missiles balistiques (25), Moscou voit cela comme un moyen diplomatique pour l’Entente alors que Pékin regarde cela comme un moyen offensif pour contrer l’Ouest: c’est à ce moment que les relations sino-soviétiques vont se dégringoler.
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En juillet 1958, Khrouchtchev est reçu froidement en Chine (26) lors d’une visite pour discuter d’un partenariat militaire, subissant les critiques de Mao sur les politiques qu’ils mènent (Entente avec l’Ouest, Déstalinisation). Sur le partenariat en question, Mao refuse d’accéder aux demandes soviétiques (utilisation des bases marines chinoises comme avant-postes soviétiques pour que ses sous-marins aient un accès plus facile au Pacifique) en plus d’exiger l’arme nucléaire (27). Face à cela, le chef de l’URSS met fin aux discussions. La Chine bombarde Taïwan 3 semaines plus tard, renforçant par la même occasion les tensions entre la Chine et les E-U. En réponse à cela, l’URSS arrête temporairement les aides économiques et militaires (28).
L’insurrection du Tibet (29) en avril 1959 affaiblit politiquement Mao. Pour se consolider, il met en place le « Grand bond » en insistant sur le nationalisme chinois, la violence révolutionnaire et la radicalité idéologique (stalinisme) (30). Khrouchtchev vient en Chine en septembre suite aux 10 ans de la RPC. Il en profite pour essayer de renouer les liens mais rien n’y fait : La Chine est en pleine purge des éléments jugés conciliants envers l’URSS (31). C’est aussi à ce moment-là qu’il entend parler pour la première fois du révisionnisme (32). Il comprend donc qu’il ne peut pas renverser la balance et décide alors d’arrêter définitivement tous les projets soviétiques en Chine (33/34).
Informations complémentaires :
Metal Gear Solid 3 : Snake Eater, En résumé…En 1964 !
Le résumé est un copié-collé de Wikipedia.
Mission Vertueuse :

La guerre froide est intense entre l’URSS et les États-Unis en 1964. La course à l’armement nucléaire est lancée. Dans ce contexte, les deux fronts se disputent un homme, le Dr Nikolaï Stepanovitch Sokolov. Passé à l’Ouest avec l’aide du Major Zero, les États-Unis ont dû le renvoyer en URSS afin de mettre un terme à la crise des missiles de Cuba (1961). Mais les secrets qu’il détient sont trop dangereux, c’est pourquoi la nouvelle unité Fox est chargée de l’enlever. Un agent, nom de code Naked Snake ou Snake, est chargé de cette mission, nommée Mission Vertueuse.
Afin de s’infiltrer dans la base où Sokolov est détenu, en pleine jungle russe, il effectue le premier saut HALO de l’Histoire. Il reçoit le soutien radio du Major Zero, de Para-Medic et The Boss, son ancien maître, soi-disant en mission en Arctique. Alors qu’il parvient à rejoindre Sokolov, des Spetsnaz surgissent, rapidement éliminés par l’unité Ocelot, emmenée par le dénommé Ocelot, un agent de la GRU qui fait preuve d’aptitudes au tir spectaculaires. Sokolov s’échappe alors que Snake parvient à se débarrasser des Ocelots par des techniques de Close Quarters Combat (CQC), qu’il a élaborées avec The Boss. Snake rejoint peu après Sokolov, qui lui montre alors l’arme qu’il doit élaborer pour le compte du colonel Volgin : le Shagohod, un tank capable d’agir en solitaire, conçu pour tirer des missiles nucléaires à très longue portée sans possibilité de les repérer. Mais alors qu’ils partaient pour le point d’évacuation, une brume tombe soudainement. Apparaît alors The Boss, chargée de deux têtes nucléaires Davy Crockett. Elle affirme être passée à l’Est avec son unité Cobra fraîchement reformée, rejoignant ainsi Volgin, également présent. Sokolov se fait enlever par des membres de l’unité Cobra, en hélicoptère, et Snake engage le combat avec son ancien mentor, qui prend rapidement le dessus. Snake tombe alors dans une rivière, en emportant le bandana de The Boss. Snake, gravement blessé, parvient à s’administrer les premiers soins, et assiste impuissant à un tir de missile Davy Crockett sur le laboratoire de Sokolov.
Opération Snake Eater :

Une semaine plus tard, le téléphone rouge sonne à la Maison Blanche. Nikita Khrouchtchev a eu vent du tir nucléaire et de l’implication des États-Unis dans l’affaire. Il charge alors le Président Lyndon B. Johnson de résoudre le problème. L’unité Fox est chargée de la mission, et Naked Snake, encore convalescent, repart pour la jungle russe. Après être parvenu à atterrir, Snake rencontre The Boss, qui après une courte bataille, démonte le pistolet du héros, et fait exploser les restes de son drone afin d’avertir les gardes de sa présence. Snake parvient pourtant à rejoindre les ruines de Rassvet, où il retrouve son contact EVA, une jeune femme qui lui indique comment rejoindre Sokolov : il doit pour cela s’infiltrer dans le laboratoire de Graniny Gorki. Elle lui donne également un déguisement et deux nouvelles armes, dont un Colt M1911 spécialement amélioré et personnalisé. Le lendemain matin, le repaire est attaqué par l’unité Ocelot, et Snake et Eva se séparent. En chemin, il rencontre Ocelot, armé de deux Colt Single Action Army, qui le provoque en duel, mais ils sont interrompus par The Pain, que Snake tuera peu après.
Grâce au costume de scientifique qu’Eva lui a donné, Snake parvient à s’infiltrer dans Graniny Gorki, où il rencontre Aleksandr Leonovitch Granin, un scientifique russe (à la solde de Volgin) avec un autre projet de tank nucléaire. Évincé au profit de Sokolov, il noie son chagrin dans l’alcool. Saoul, Granin confie à Snake une clé ouvrant une porte, donnant accès à un chemin montagneux menant à Groznyj Grad, quartier général de Volgin. Snake s’échappe du bâtiment peu après. Sur le chemin, il rencontre The Fear et The End. Dans les montagnes, Snake parvient à rejoindre Eva dans un repaire abandonné, où elle lui indique un moyen sûr d’infiltrer Groznyj Grad et de rejoindre Sokolov : dans un chemin creusé dans la montagne. Snake affronte alors The Fury, le dernier membre en vie de l’unité Cobra (hormis son chef, The Boss). Après le combat, l’accès est bloqué à la suite d’un effondrement, Snake ne peut donc plus faire demi-tour ; c’est alors qu’il entre dans Groznyj Grad.
Dans la base, il parvient à assommer un jeune colonel préféré de Volgin, et à prendre son apparence. Il réussit ainsi à pénétrer dans la « prison » de Sokolov et à lui parler : il lui révèle en détail le fonctionnement du Shagohod, terminé depuis peu. Volgin entre soudainement dans la pièce, et parvient à démasquer Snake, arrêté par The Boss. Snake est alors emprisonné et torturé par Volgin (et Ocelot lui fait accidentellement perdre son œil droit) mais Eva, déguisée et infiltrée, lui offre un moyen de s’échapper. Snake parvient alors à sortir de sa cellule et à passer par les égouts. Passant près de la mort, expérience où il « rencontre » The Sorrow, il se réveille dans une jungle et retrouve peu après Eva. Cette dernière lui rend son équipement et lui donne quatre doses de C3, un explosif plastique qui devrait lui permettre de détruire Groznyj Grad et le Shagohod. Snake retourne donc dans la base, parvient à entrer dans l’aile principale où est entreposé le Shagohod, et pose les charges de C3 près des cuves de carburant liquide destiné à celui-ci. Mais dans sa fuite, il est arrêté par Ocelot alors qu’il combattait The Boss, qu’il avait croisé. Il y a là aussi Volgin, qui se révèle être en possession de l’Héritage des Philosophes, 100 milliards de dollars amassés secrètement lors des deux conflits mondiaux par les États-Unis, la Russie et la Chine. Naked Snake affronte ensuite Volgin au cours d’un combat acharné, et parvient à s’échapper de l’entrepôt mais de loin, Ocelot voit Snake s’enfuir et décide de le poursuivre. Commence alors une grande course-poursuite entre Snake et Eva dans un side-car, Ocelot en moto, et Volgin aux commandes du Shagohod. Dans leur fuite, Snake et Eva parviennent à détruire un pont, arrêtant ainsi Ocelot et les soldats, mais pas le Shagohod, pourtant endommagé. Snake réussit à détruire les commandes du tank, mais Volgin, chargé d’électricité, l’alimente lui-même de l’extérieur. L’affrontement prend fin quand Volgin meurt foudroyé par un orage provoqué par The Sorrow.
Snake et Eva reprennent la fuite en side-car, mais ils chutent dans un ravin et Eva est gravement blessée. Snake lui donne les premiers soins et ils parviennent à rejoindre une clairière où les attendent un aéroglisseur, mais également The Boss. Naked Snake affronte donc son ancien maître, qu’il achève lors d’une cinématique, symboliquement, avec l’arme même de The Boss, un pistolet automatique Patriot. Snake se résout donc alors à rejoindre l’aéroglisseur, qui décolle, mais Ocelot parvient à embarquer et provoque une nouvelle fois Snake en duel. Dans un premier temps, Snake affronte Ocelot dans un style « combat de rue » mais se rappelant ses techniques de CQC, il décide de les mettre en pratique, ainsi qu’Ocelot. Ensuite, ce dernier menace Naked Snake avec un revolver, qui se révèle chargé que d’une balle à blanc. Ocelot finit par sauter de l’aéroglisseur, qui est alors poursuivi par des avions de chasse russes, mais Khrouchtchev intervient en personne et les laisse fuir.
Le lendemain, Snake trouve un message d’Eva lui révélant certains points obscurs de sa mission : Eva n’était pas son véritable contact, et travaillait en fait pour la Chine, pour qui elle devait subtiliser les données sur l’Héritage des Philosophes. De plus, The Boss n’a jamais trahi son pays, mais a dû s’infiltrer dans les plans de Volgin pour détruire le Shagohod et récupérer l’Héritage ; cependant le tir nucléaire de Volgin avait changé la donne, elle devait alors mourir et ce, de la main de son apprenti, pour garder cela secret. L’Histoire retiendra The Boss comme une criminelle de guerre sans aucune morale : en Russie comme d’un monstre ayant fait exploser une bombe nucléaire, aux États-Unis comme d’une traîtresse sans valeurs alors qu’elle s’est sacrifiée pour son pays.
Snake reçoit, pour ses faits d’armes et pour avoir surpassé The Boss, le titre de Big Boss, mais sa réussite lui laisse un goût amer.
Après le générique de fin, le joueur peut entendre un appel d’Ocelot, qui affirme avoir les véritables données sur l’Héritage des Philosophes, et s’avère être un agent de la CIA, s’adressant au directeur même de l’agence américaine.
Après 1964…
L’arrêt des aides rend la Chine furieuse. En réponse, elle accentue donc l’antirévisionnisme et l’antisoviétisme :
- Sur la question des litiges territoriaux, il faut rappeler le trauma important qu’ont causé les traités inégaux du XIXe chez les Chinois, dont Mao. Ce dernier avait demandé à ce que la Sibérie annexée par l’Empire russe revienne à la Chine (35). Pour faire lien avec Kojima, les socialistes japonais ont par ailleurs été reçus par Mao pour discuter de la question des territoires soviétiques historiquement japonais et chinois, sur fond de problèmes démographiques (36). L’URSS répond diplomatiquement, en insistant que les territoires « historiquement chinois » ne le sont pas vu qu’ils ont été eux-mêmes annexés par les empereurs chinois (37); et politiquement, via des actions subversives auprès des peuples non-Han et non-sinisés (38). Il faut préciser que des intrusions chinoises sont commises en URSS durant les années 60, même si elles n’ont a fortiori pas de caractère militaire pour la plupart (elles sont principalement l’apanage de fermiers) (39/40).
- Sur le plan idéologique, Mao s’installe comme le digne successeur de Staline et fustige Moscou de réintroduire le capitalisme dans son économie et de promulguer l’Entente avec l’Ouest. La Chine va même plus loin en accusant Moscou de faire collusion avec les E-U, argumentant par la résolution rapide de la crise de Cuba (1962) (41) et du conflit sino-indien (1962) (42). Le Tiers-monde devient alors une arène où s’affrontent Moscou et Pékin (43). Moscou essaye de radier le PCC, mais n’y arrive pas à cause de la réticence des autres partis nationaux.
Suite à la démission de Khrouchtchev en 1964, la Chine demande à Brejnev de faire table rase: sans succès. Brejnev ira même encore plus loin que son prédécesseur en s’attaquant au Tiers-monde (auquel Khrouchtchev donnait peu d’importance) à coup d’aides pour diminuer l’influence chinoise (44/45). Sachant ses capacités moindres par rapport à l’URSS, la Chine opte en réponse pour le parallélisme sociologique afin d’aider les populations (46) au mieux via des techniques agraires préindustrielles: elle joue dessus pour dénoncer le manque d’accessibilité de la technologie de l’Union soviétique, bien trop avancée.
La Révolution Culturelle (1966-1968), qui n’est que la suite des politiques de purges (47/48), est amorcée dans une situation où Pékin craint une intervention soviétique dans son territoire (49). Les Soviétiques prennent dans un premier temps cette situation au second degré. Ils changent cependant drastiquement le ton quand surviennent les attaques contre les ressortissants soviétiques vivant en Chine (50/51) en 1967, notamment en amassant des troupes à la frontière (52) et en accentuant les opérations subversives (53) en plus des accusations habituelles qu’échangent les deux parties (c’est-à-dire poursuivre le dessin belliqueux des ancêtres, le révisionnisme, le antisoviétisme). Avec l’intervention de l’Armée rouge de 1968 en Tchécoslovaquie met la Chine en état d’alerte maximale, qui se prépare à une possible offensive de l’URSS (54). La Révolution Culturelle en Chine provoque certes son isolement, mais Pékin fait tout pour avoir des contacts dans le Tiers-monde (55/56/57).
Le conflit rentre dans sa phase la plus ouverte avec l’incident frontalier du 2 mars 1969 où des soldats chinois attaquent un poste frontalier soviétique (58). L’URSS tente de pacifier la situation mais rien n’y fait au vu de leur entêtement (59). Ce n’est qu’en juin que la Chine accepte enfin d’obtempérer (60). Les deux camps restent néanmoins sur leur position et cet immobilisme va les pousser en septembre à des menaces nucléaires (61), le tout parsemé des diatribes habituelles. L’incident sera réglé qu’en 1970 avec le médiateur nord-vietnamien (62) ; Pékin commence entre temps à se rapprocher d’Oncle Sam (63)… Le conflit sino-soviétique amorce donc dans les années 70 sur un ton de guerre froide…
Informations complémentaires :

Source de l’image : http://jmgleblog.eklablog.com/emergence-du-tiers-monde-c32230974
Les inexactitudes historiques et politiques de Metal Gear Solid 3 : Snake Eater
Sur les éléments géopolitiques appuyant le scénario, nous retrouvons de facto des incohérences historiques : durant la mission vertueuse, Sokolov (le scientifique que Snake doit récupérer) indique que l’URSS de Khrouchtchev cherche la coexistence pacifique avec les E-U depuis 1962 (suite à la crise de Cuba) alors qu’en réalité, la coexistence s’est faite dès l’intronisation de Khrouchtchev. Il est d’ailleurs bon de rappeler que la crise de Cuba a été réglée en 14 jours alors que l’incident frontalier de 1969 n’a été “résolu” qu’un an plus tard; ce qui eu pour effet de causer une guerre froide entre l’URSS et la Chine…
Lors de leur rencontre, Sokolov introduit à Snake le personnage de Volgin, l’ennemi principal du jeu. Ce dernier fait partie du groupe soutenant Brejnev dont le but est d’éjecter Khrouchtchev du pouvoir et de mettre fin à la coexistence. Si nous devons comparer tout ceci aux réalités historiques, le personnage de Volgin est un non-sens vu que Brejnev s’oppose à Khrouchtchev « uniquement » sur les politiques économiques internes (cela est dit dans le jeu) et non sur les relations avec les E-U. En effet, Brejnev préféra continuer la “coexistence” (64). Plus loin dans le jeu, nous apercevons le Shagohod et Sokolov nous explique les raisons pour lesquelles le Metal Gear pourrait amorcer une troisième guerre mondiale avec l’Amérique. Mais lorsque nous souhaitons comparer tout ceci avec la situation d’époque, le Shagohod, s’il devait existé, aurait été une arme diplomatique contre les E-U pour assurer le statu quo (en réponse, Washington aurait développé ses propres armes dans le but de “surpasser le Shagohod”); ce serait avec la Chine que cette arme prendrait une dimension militaire. Ces éléments-là montrent, par la même occasion, « l’inconcevabilité » de l’attaque nucléaire perpétrée par Volgin.
Plus tard dans le jeu, il faut secourir Sokolov pour la deuxième fois dans l’opération « Snake Eater ». Ce dernier nous précise les plans de Volgin : construction en masse du Shagohod et installation dans les pays proches de l’URSS (bloc de l’est, satellite de l’URSS, ect). Sachant qu’in fine l’influence du Shagohod aurait pu servir les pays du Tiers-monde à mener une révolution mondiale pouvant menacer les E-U. Comme vous avez pu lire, plus haut, concernant la question Tiers-monde, si Volgin avait été historiquement cohérent (clan Brejnev), il aurait mené le plan décrit par Sokolov contre Pékin et non contre le bloc de l’Ouest, en plus de placer ces engins à la frontière chinoise afin d’éveiller des mouvements indépendantistes auprès des populations non-Han et non-sinisées et de diminuer l’influence chinoise dans le Tiers-monde. Donc si nous prenons pour acquis l’intrigue du jeu, la Chine n’aurait jamais accepté cela, sans parler de certains pays du bloc communistes : L’Albanie (65) aurait refusé catégoriquement – par proximité idéologique avec la Chine et par son contexte avec la Yougoslavie -, la Roumanie (66) et le Vietnam du Nord (67) auraient joué la carte de la souveraineté sur l’acceptation ou non de l’installation du Shagohod.
Pour ce qui est des Philosophes, je ne vais pas en parler davantage puisque le sujet ne traite pas de la situation mondiale d’entre-deux-guerres (1918-1939) mais il est “inconcevable” qu’un tel groupe ait pu exister. Nous comprenons, dans le jeu, que les Philosophes sont formés, à partir des années 20/30, par des pontes des E-U, de l’URSS et de la Chine pré-communiste, dans le but d’unir le monde via l’amassement de sommes colossales. La seconde guerre mondiale viendra, de manière inopinée, accentuée cette démarche. Néanmoins, comment expliquer l’anticommunisme américain sociétal et étatique présent déjà depuis 1917-1918 (68) et la lutte anticommuniste en Chine de 1927-1937 et 1944-1949 ? Pour une saga voulant nous apporter une vision politique et historique des choses, les Philosophes sont une absurdité scénaristique; ou alors nous rentrons dans l’uchronie dans laquelle les E-U auraient normalisé, dès 1917, leurs relations diplomatiques avec le nouveau gouvernement bolchévik et accepté des partis américains de tendance communistes, socialistes, anarchistes, ect.
En plus, si on se focalise sur l’Empire du Milieu des années 20, le Kuomingtang s’est allié avec les communistes et l’URSS contre les seigneurs de guerre, afin de prendre le contrôle de la Chine (69/70)… l’avènement de Tchang Kai-chek (l’aile droite du Kuomintang) n’aurait jamais du voir le jour, les Philosophes auraient tout simplement tué dans l’œuf les projets de ce dernier d’être les seuls [le Kuomintang] à gouverner, gardant donc le Kuomintang dans son alliance avec les communistes et l’URSS (on n’aurait jamais eu le massacre de Shangaï du 27/04/1927 où l’armée écrasa la révolte ouvrière et communiste et, par conséquent, la lutte anticommuniste chinoise).
Au vu des critiques historiques, la narration et l’angle par lequel Hideo Kojima aborde son sujet dans Metal Gear Solid 3 va complètement à l’opposé du message transmis dans Metal Gear Solid 2 sur la question de l’information et de sa transmission. En donnant le contexte “américanisé” de MGS3, Hideo Kojima fait le jeu des PATRIOT en nous laissant sur la vision classique de Guerre Froide ; c’est-à-dire bloc de l’ouest vs bloc de l’est ; sans réellement impliquer le conflit sino-soviétique (les révélations d’Eva, à la fin du jeu, s’étalent uniquement sur 4 minutes grand maximum). Certes, le jeu est une critique de la vision américaine de la Guerre Froide mais vu qu’il conserve ce postulat, la critique devient faible au vu des réalités historiques de l’URSS des années 60. Si le jeu avait été « juste » historiquement, la critique aurait été plus impactante en montrant en quoi la vision mainstream de la Guerre Froide hérité d’outre-Atlantique des années 80 (l’anti-communiste reaganien) a complétement réécrit les problématiques de l’URSS des années 60, modifiant ainsi notre compréhension du monde actuel.

Conclusion historique
La guerre sino-soviétique des années 60 prend ses germes dès le début de l’Union soviétique en 1917, où les communistes soviétiques ne font pas confiance aux communistes chinois. Dans les années 30, la méfiance de Moscou est agrandie avec la prise de la Mandchourie et les initiatives solitaires de Mao, ce qui la pousse à mettre en place un contrôle du Parti communiste chinois (quand bien même Mao arrive à purger son parti des éléments pro-soviétiques). Lors de la guerre civile chinoise, les communistes chinois se sentent trahis par Staline à cause de son soutien aux nationalistes. Ils nouent alors des liens avec Washington jusqu’à l’avènement du Président Truman et de sa politique « d’Endiguement », obligeant le ralliement avec Staline. À la victoire des communistes chinois en 1949, Mao décide de suivre les directives de Moscou au vu de la situation précaire chinoise. L’URSS fait tout de même preuve de prudence envers le chef politique et son programme de primauté nationale (que ce soit son lien avec les E-U durant la guerre civile ou bien le volontariat chinois durant la guerre de Corée). Avec l’avènement de Khrouchtchev en 1954, la « Déstalinisation » fait monter la tension d’un cran . Les Chinois voient ça comme une trahison du léninisme-marxisme et demande à Moscou de revenir là-dessus, sans succès. Moscou continue au contraire sa politique et entretient un dialogue de « coopération » avec l’Ouest. La Chine mécontente montre son désaccord durant la deuxième moitié des années 50 en refusant les futurs projets soviétiques en Chine. Elle oblige l’URSS à lui fournir l’arme nucléaire et accuse Moscou de Révisionnisme. Khrouchtchev, en réponse, coupe court à toutes aides soviétiques en Chine. La Chine rentre, dans les années 60, dans un antisoviétisme et un antirévisionnisme ardu. La Chine fait pression sur les questions territoriales pour des raisons démographiques, en voulant récupérer des terrains historiquement chinois sous contrôle russo-soviétique. D’un point de vue géopolitique et idéologique, la Chine joue contre l’URSS en Asie et en Afrique pour éviter que ces bastions de la « Révolution mondiale » ne tombent dans la coupole du Révisionnisme. Durant la Révolution culturelle qui réactualise l’antirévisionnisme et l’antisoviétisme, les éléments pro-soviétiques chinois sont neutralisés et les soviétiques basés en Chine sont attaqués (que ça soit des membres diplomatiques et militaires). Face à cela, l’URSS accentue ses dépenses militaires en Asie et l’intervention de 1968 en Tchécoslovaquie intimide à la Chine et la plonge dans l’isolation. La Chine attaque un avant-poste frontalier soviétique le 2 mars 1969, ce qui fait rentrer le conflit dans une face ouverte. Les deux camps négocient mais n’arrivent pas à se mettre d’accord suite à la mobilisation militaire et nucléaire. Cela incite donc la Chine à se rapprocher des E-U…
Conclusion thématique
En ce qui concerne MGS3, le jeu est historiquement biaisé. En basant principalement son récit sur la confrontation des deux blocs de la Guerre froide dans le contexte des années 60, le jeu nous laisse que 4-5 min de mise en contexte du conflit sino-soviétique (via les révélations de EVA). L’URSS était en réalité bien plus préoccupée (comme nous l’avons vu à cette époque et que ça soit sous Khrouchtchev ou Brejnev) par la menace que posait réellement la République populaire de Chine sur « le terrain gardé » de l’Union soviétique, que ce soit l’intrusion chinoise en URSS ou la lutte idéologique intra-communiste (le Révisionnisme soviétique versus le Maoïsme) dans le Tiers-monde. Au niveau de la Saga MGS, le 3 fait fi de tous ce qui a été dit dans le 2 sur la thématique du contrôle de l’histoire en laissant le postulat américano-centré de la Guerre froide, à un point où il ne serait pas fou de penser que le jeu pourrait être un pur produit des PATRIOT.
Note de bas de page :
- Gerard Hervouet, « Le conflit frontalier sino-soviétique de 1969. », Etudes internationales 10, no.1 (1979) : 60. https://doi.org/10.7202/700914ar
- Donald S. Zagoria, ‘’Mao’s Role in the Sino-Soviet Conflict.”, Pacific Affairs 47, no. 2 (1974): 141. https://doi.org/10.2307/2755604
- Ibidem.
- Ibidem.
- Ibid., 142
- Ibidem.
- Ibid., 145
- Ibidem.
- Ibidem.
- Hervouet, « Le conflit », 60.
- Hervouet, « Le conflit », 60-1.
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- Ibidem.
- Ibidem.
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- Ibidem.
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